La conduite mains libres sur autoroute est-elle désormais à la portée du plus grand nombre, ou reste-t-elle un privilège de quelques acteurs triés sur le volet ? En annonçant l’arrivée d’une mise à jour logicielle majeure pour ses berlines Air le 30 juillet, Lucid Motors bouscule le petit cercle des constructeurs capables de proposer ce type d’assistance avancée, autrefois réservé aux géants comme Ford, General Motors ou même Tesla. Mais cette innovation a-t-elle vraiment de quoi inquiéter la concurrence, ou n’est-elle qu’un nouveau coup d’éclat marketing ?
Il est intéressant de se pencher sur les véritables enjeux de ce déploiement. Lucid franchit un cap technologique crucial, certes, mais ce n’est pas la première entreprise à permettre une conduite mains libres sur autoroute. Quelles différences réelles avec les systèmes déjà en place, tels que BlueCruise chez Ford ou Super Cruise chez GM ? À bien y regarder, le champ d’application reste pour l’instant limité : seules les Air équipées du « Dream Drive Pro » à 2 500 dollars bénéficieront de la fonctionnalité dans un premier temps – une option qui ne concerne qu’une partie des quelque 20 000 véhicules livrés par la marque depuis 2021.
L’autre question épineuse : la technologie est-elle vraiment à la hauteur des attentes ? Le système repose sur un arsenal de 32 capteurs, intégrant lidar, radars, caméras et ultrasons. Mais le conducteur doit toujours conserver son attention sur la route et se tenir prêt à reprendre le contrôle à tout moment. Peut-on alors encore parler de conduite autonome, ou s’agit-il d’une évolution prudente des systèmes déjà présents sur le marché ? Les utilisateurs ne risquent-ils pas d’être déçus par cette promesse de liberté, finalement encadrée et surveillée par une caméra infrarouge discrètement placée au-dessus du volant ?
La conduite mains libres avance, mais la route vers l’autonomie totale reste semée d’embûches techniques et réglementaires.
Ce sont en effet seulement les autoroutes séparées et pré-cartographiées qui permettront d’activer cette fonctionnalité, ce qui réduit considérablement le nombre de trajets concernés. Quant aux clients du nouvel SUV Gravity, ils devront patienter, la livraison n’ayant, selon Cox Automotive, touché que cinq chanceux au second trimestre. Une stratégie délibérément élitiste ou simple retard industriel déguisé en exclusivité temporaire ?
Par ailleurs, le fabricant entretient le flou quant au nombre réel de propriétaires éligibles. Pourquoi tant de mystère sur les chiffres de vente de son pack Dream Drive Pro ? Ce manque de transparence interroge, alors que Lucid cherche à asseoir sa crédibilité face à des concurrents toujours plus agressifs sur l’électrification et l’autonomisation.
En plaçant l’innovation au cœur de sa communication, Lucid cherche-t-il surtout à rassurer ses investisseurs et à faire oublier la lenteur du déploiement de ses nouveaux modèles ? Ou mise-t-il réellement sur l’adoption massive d’une conduite assistée encore loin d’être universelle ? Les limites techniques actuelles reflètent-elles simplement les exigences de sécurité ou les hésitations d’une industrie oscillant entre audace et prudence ?
Alors que la bataille de la conduite main libres fait rage sur les autoroutes américaines, le véritable défi ne serait-il pas d’ouvrir ces technologies au plus grand nombre, et non de les réserver à une élite de conducteurs déjà bien équipés ?
Source : Techcrunch




