Pourquoi un nombre aussi massif d’actions Figma est-il réservé à la vente par les actionnaires existants, plutôt qu’à la recherche de nouveaux investisseurs ? La récente annonce de l’introduction en bourse (IPO) de Figma, avec une fourchette de prix initiale de 25 à 28 dollars par action, a immédiatement attiré l’attention non seulement pour la valorisation potentielle, mais aussi pour la structure singulière de cette opération. D’ordinaire, ce sont les entreprises elles-mêmes qui profitent le plus lors d’une IPO, mais Figma a choisi un chemin moins conventionnel.
En effet, alors que la société prévoit de mettre en vente « seulement » 12,5 millions de ses propres actions, les actionnaires actuels — investisseurs initiaux, fondateurs — vont pouvoir céder jusqu’à près de 24,7 millions de titres. Qui profite réellement de cette ouverture inédite aux actionnaires existants ? Est-ce le signe d’une confiance absolue dans l’avenir de Figma ou, au contraire, une volonté de sécuriser des gains tant attendus dans un marché de capital-risque essoufflé ?
Cette générosité envers les anciens investisseurs ne s’arrête pas là : en cas d’engouement, une nouvelle poche de 5,5 millions d’actions supplémentaires pourra également être vendue. Dylan Field, fondateur et CEO de Figma, prévoit à lui seul de vendre 2,35 millions de titres — ce qui pourrait lui rapporter plus de 62 millions de dollars au prix médian. Doit-on s’étonner de voir de telles sommes s’évaporer des comptes de Figma au profit de ses pionniers, alors que l’entreprise s’apprête à s’ouvrir au marché public ?
L’IPO de Figma pose la question : à qui profite vraiment cette opération – à l’entreprise ou à ses investisseurs historiques ?
Ce qui est plus frappant encore, c’est que Dylan Field détiendra toujours 74% des droits de vote après l’IPO, grâce à une classe d’action « supervote » lui conférant 15 voix par action, sans oublier la délégation des votes de son cofondateur Evan Wallace. Cette structure permettra-t-elle à Field de conserver une main de fer sur la direction de l’entreprise, ou risque-t-elle de décourager de nouveaux investisseurs potentiels soucieux de transparence et d’équilibre des pouvoirs ?
Par ailleurs, des fonds de capital-risque majeurs — Index, Greylock, Kleiner Perkins, Sequoia — profiteront aussi de l’aubaine : chacun pourra capitaliser entre 1,7 et 3,3 millions d’actions au besoin. S’agit-il d’une ruse pour détourner la pression de liquidité qui pèse actuellement sur le secteur du capital-risque ? Ou simplement d’une solution pragmatique à une demande d’actions manifestement supérieure à l’offre initiale de Figma ?
On peut se demander si cette orientation très favorable aux actionnaires existants est le reflet d’un marché qui manque cruellement d’occasions de liquidité, ou si, sans cette ouverture, il aurait tout bonnement manqué d’actions à vendre pour satisfaire l’enthousiasme des marchés. À noter : les principaux investisseurs ne vendent qu’une minorité de leurs parts et restent positionnés sur le long terme.
Rappelons aussi que Figma lui-même ne tirera aucun bénéfice direct de la majorité des ventes d’actions : seuls les titres nouvellement émis lui rapporteront, le reste constituant un apport de trésorerie pour les vendeurs individuels. Cependant, si l’engouement dépasse les attentes et que Figma s’échange à un prix supérieur, actionnaires comme entreprise pourraient tous y gagner, faisant potentiellement de cette IPO la plus marquante de 2025. Mais cette stratégie inhabituelle peut-elle vraiment servir les intérêts à long terme de Figma ?
Alors que la date de l’IPO approche, une dernière question demeure : cette introduction en bourse si atypique est-elle le signe d’une nouvelle norme pour la tech, ou Figma joue-t-il un jeu risqué qui pourrait se retourner contre les investisseurs et les futurs actionnaires ?
Source : Techcrunch



