Le nouveau système de vérification communautaire de TikTok, appelé Footnotes, pourrait-il bouleverser la lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux ? Tandis que la plateforme vient d’annoncer le lancement public de ce programme pilote aux États-Unis, nombreux sont ceux qui s’interrogent : la foule est-elle vraiment la meilleure garante de la vérité en ligne ?
Concrètement, Footnotes permettra aux utilisateurs américains de rédiger et d’évaluer des notes expliquant ou corrigeant le contenu des vidéos TikTok. Mais qui sont ces nouveaux “contrôleurs” de l’information ? Selon TikTok, il faut avoir plus de 18 ans, six mois d’ancienneté sur l’application, et un casier vierge de toute violation récente des règles communautaires. Une sélection suffisante pour garantir la qualité du fact-checking participatif ? Difficile à dire, même si près de 80 000 utilisateurs se sont déjà inscrits comme contributeurs.
Ce modèle, inspiré directement du système Community Notes de X (ex-Twitter) et désormais adopté par Meta et YouTube, repose sur un algorithme dit de “bridging”. L’idée ? Chercher le consensus entre utilisateurs aux avis généralement opposés, afin d’identifier les notes jugées véritablement utiles ou véridiques. Mais comment s’assurer que ce mécanisme soit réellement imperméable aux tentatives de manipulation ou de harcèlement organisé (“brigading”) ? Les géants du web se gardent bien de détailler les limites de leurs algorithmes en termes de transparence et de neutralité.
La vérification de l’information par le public suffira-t-elle à endiguer la vague de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux ?
L’apparition de ces dispositifs de fact-checking participatif n’est pas anodine dans le contexte actuel. Entre accusations de partialité contre les processus de vérification traditionnels et menaces de régulation gouvernementale (en particulier de la part des conservateurs américains), TikTok déroule désormais la même feuille de route que ses concurrents. Meta, par exemple, a récemment abandonné la vérification classique des faits pour son propre système communautaire, suscitant une montée en puissance de la circulation de fausses informations. YouTube expérimente également un dispositif similaire, tandis qu’X intègre désormais même l’IA dans la rédaction de ses Community Notes. S’agit-il d’une révolution vertueuse ou d’un glissement progressif de la responsabilité éditoriale vers le public ?
Face à ces critiques, TikTok insiste sur la complémentarité entre son système Footnotes et son programme de vérification international existant, mené en collaboration avec plus de 20 organismes accrédités et déployé dans 130 pays. Mais pour combien de temps encore la plateforme maintiendra-t-elle cette double approche, alors que la pression monte pour déléguer toujours plus à la communauté ?
La généralisation de ces initiatives reposant sur “la sagesse des foules” incarne-t-elle un véritable progrès démocratique ou expose-t-elle, au contraire, les réseaux sociaux à de nouveaux risques d’instrumentalisation de l’opinion ? L’avenir nous dira si la surveillance citoyenne saura contenir efficacement la désinformation à l’ère des réseaux mondiaux… ou si le remède s’avérera pire que le mal.
Finalement, alors que la frontière entre vérification et viralité s’efface, peut-on encore croire à l’objectivité collective de ces foules numériques, ou sommes-nous en train d’assister à une nouvelle mutation du chaos informationnel ?
Source : Techcrunch




