Les géants du numérique surveillent-ils de plus en plus notre âge sur Internet ? C’est la question brûlante que soulève l’expérimentation actuelle de Google aux États-Unis. Armée de nouvelles technologies basées sur le machine learning, l’entreprise ambitionne de deviner l’âge de ses utilisateurs et de filtrer les contenus en conséquence sur tous ses produits. Mais comment ce système fonctionne-t-il dans la pratique ? Quels impacts directs et indirects aura-t-il sur notre navigation, notre vie privée et, surtout, la jeunesse ?
Google explique qu’il recoupe plusieurs types d’informations provenant des comptes utilisateurs, telles que les recherches effectuées ou les catégories de vidéos consommées sur YouTube, pour estimer l’âge des internautes. D’après la firme, si l’algorithme identifie un compte comme appartenant à un mineur, une notification est alors envoyée à l’utilisateur, listant les changements à attendre. Mais ce dispositif sera-t-il infaillible ou risque-t-il d’étiqueter à tort certains profils adultes comme « trop jeunes » ?
Pour les comptes jugés mineurs, le géant californien prévoit une série de restrictions. Google désactive la timeline sur Maps, coupe la personnalisation des publicités, interdit l’accès aux applications réservées aux adultes sur le Play Store, et impose des rappels de pause ou de coucher sur YouTube. Cette technologie ira-t-elle jusqu’à priver certains jeunes d’informations légitimes ou utiles sous prétexte de protection ? D’autre part, si un utilisateur pense être victime d’une erreur, il peut faire appel et prouver sa majorité avec une pièce d’identité ou un simple selfie.
Dans une ère où l’intelligence artificielle définit nos profils, la frontière entre protection des jeunes et surveillance généralisée devient de plus en plus floue.
Google n’est pas le seul sur ce créneau : Instagram et Roblox expérimentent également des outils d’estimation d’âge, sous la pression croissante de la législation. Des textes comme le Online Safety Act au Royaume-Uni imposent déjà la vérification d’âge sur plusieurs plateformes, et plusieurs états américains travaillent à leur propre règlementation. Ce mouvement global, sous couvert de protéger les enfants, amorce-t-il un virage vers une ère de contrôle d’identité permanent en ligne ? Où se trouve la limite entre sécurité et intrusion dans la vie privée numérique des utilisateurs ?
La firme de Mountain View se veut rassurante : « L’assurance de l’âge nous permet de garantir que les adultes peuvent accéder aux informations et services dont ils ont besoin, tout en appliquant les protections nécessaires pour nos utilisateurs plus jeunes. Notre méthode combine estimation et, si besoin, vérification de l’âge », souligne-t-elle dans un billet de blog officiel. Mais cet équilibre fragile résistera-t-il aux tentations commerciales et aux éventuels abus d’un tel système ?
En expérimentant déjà ces technologies sur YouTube et désormais sur l’ensemble des comptes Google américains, l’entreprise pose la première pierre d’une nouvelle norme mondiale. Reste à savoir si ce filtrage algorithmique façonnera un Web réellement plus sûr pour les jeunes… ou s’il normalisera un nouveau mode de surveillance algorithmique généralisée. Les arbitres de ces politiques seront-ils les utilisateurs et leurs données, voire les gouvernements ?
La question reste finalement ouverte : l’estimation automatisée de l’âge par IA est-elle la meilleure réponse pour protéger les mineurs, ou bien ouvre-t-elle la porte à de nouveaux risques pour la liberté numérique de chacun ?
Source : Techcrunch




