Comment une startup nigériane parvient-elle à prospérer dans le secteur ultra-concurrentiel – et rarement rentable – de la livraison de repas en Afrique de l’Ouest ? À l’heure où la plupart des géants mondiaux peinent à s’implanter ou se retirent du continent, quelle est la recette secrète de Chowdeck ? La jeune pousse basée à Lagos, ayant levé 9 millions de dollars dans un tour de table de série A mené par Novastar Ventures, s’apprête à conquérir un marché où la rentabilité semble habituellement relever du miracle.
Pourquoi des investisseurs de poids tels que Y Combinator, AAIC Investment ou encore Rebel Fund choisissent-ils de miser gros sur une entreprise locale plutôt que sur les rares acteurs internationaux encore présents ? Est-ce parce que Chowdeck a su prouver qu’il est possible de fusionner expertise locale et exécution agile dans un secteur réputé inabordable ? Depuis sa création en 2021 par Femi Aluko, Olumide Ojo et Lanre Yusuf, la société a bâti un réseau couvrant 11 villes au Nigeria et au Ghana, orchestrant plus de 1,5 million de livraisons via 20 000 livreurs, et ce, en affichant déjà une rentabilité.
En quoi la stratégie de Chowdeck diffère-t-elle des concurrents déchus, tels que Jumia ou Bolt Food, qui ont récemment abandonné la partie dans certaines régions africaines ? Alors que beaucoup évitent les réalités opérationnelles complexes des marchés locaux, la startup, elle, opte pour la livraison de plats traditionnels et mise sur l’ultralocal, allant jusqu’à effectuer plus de la moitié de ses livraisons à vélo dans les zones densément peuplées. D’où vient la confiance de l’entreprise qui, à l’inverse de ses concurrents, refuse de s’étendre à de nouveaux marchés sans garantie d’atteindre la rentabilité en quelques semaines ?
Chowdeck s’impose là où d’autres abandonnent, grâce à son ancrage local et une stratégie hyperadaptée.
La clé de l’expansion à venir serait-elle liée à la « quick commerce », c’est-à-dire ces livraisons ultra-rapides adossées à un réseau de dark stores et de hubs logistiques ? Après avoir multiplié par six la valeur des repas livrés en un an et dépassé son chiffre de 2024 avant juillet, Chowdeck annonce l’ouverture de quarante dark stores d’ici fin 2025, objectif pour pousser ce modèle encore plus loin. Mais ce choix s’accompagne d’une question lancinante : ce pari sur la logistique à grande vitesse est-il soutenable dans le temps, alors que de nombreux ténors européens comme Gorillas ou Getir ont échoué ?
L’exemple de Chowdeck au Ghana intrigue aussi : comment expliquer qu’en seulement trois mois, la société ait su atteindre 1 000 commandes quotidiennes sans publicité ? Est-ce le reflet d’une demande mal servie, ou celui d’une stratégie intelligente qui combine, via l’acquisition de la startup Mira, un volet logiciel SaaS pour les restaurateurs locaux ? Cela suffira-t-il à garantir une expansion saine, alors que l’entreprise vise désormais 5 000 commandes par jour d’ici septembre 2025 dans le pays ?
Autour de Chowdeck, la bataille fait rage : les super-apps telles que Gozem, Yassir ou MNT-Halan, concurrence directe des géants européens ou asiatiques, rêvent tous de s’imposer comme la plateforme incontournable de la logistique urbaine africaine. Mais quelle entreprise saura réellement répondre à la transformation des habitudes des jeunes urbains africains, désormais plus enclins à commander depuis leur smartphone que visiter restaurants et marchés traditionnels ?
L’avenir de la logistique et de la rapidité de livraison en Afrique de l’Ouest passe-t-il nécessairement par la voie locale, l’innovation sur la chaîne logistique, ou simplement une meilleure connaissance du client ? Chowdeck saura-t-il tenir la distance et transformer son modèle rentable en une domination régionale durable, ou finira-t-il par s’essouffler comme tant d’autres startups du quick commerce à travers le monde ?
Source : Techcrunch




