Peut-on vraiment se passer de Twitter/X aujourd’hui, alors que l’écosystème des réseaux sociaux connaît une transformation profonde depuis le rachat du géant par Elon Musk ? En l’espace de deux ans, plusieurs alternatives se sont lancées, mais rares sont celles qui affirment une croissance aussi marquée que Bluesky. Mais cette montée en puissance cache-t-elle de véritables opportunités pour les utilisateurs lassés de X, ou n’est-ce qu’un effet de mode passager ?
Bluesky, né de l’esprit de Jack Dorsey alors encore à la tête de Twitter, revendique désormais plus de 30 millions d’utilisateurs : un nombre qui force le respect, même s’il demeure faible face aux 275 millions de Threads, l’alternative de Meta. Cette fulgurance s’explique-t-elle seulement par les polémiques créées par les dernières décisions d’Elon Musk, notamment l’assouplissement de la fonction blocage ou la récupération automatique des contenus utilisateur pour l’entraînement d’IA ? Les utilisateurs fuient-ils vraiment X pour de meilleures protections, ou seulement pour fuir la dérive du réseau ?
Contrairement à ses concurrents, Bluesky mise sur une structure décentralisée, basée sur le protocole AT, qui, selon ses concepteurs, offrirait transparence, portabilité des profils et résistance à l’arbitraire des grandes plateformes. Mais derrière ce discours libérateur, le modèle économique de Bluesky demeure énigmatique : l’entreprise assure vouloir éviter la publicité et la vente de données personnelles, préférant miser sur des abonnements premium ou des services de personnalisation d’identifiants. Autant de choix qui interrogent sur la viabilité de la plateforme à long terme.
L’engouement pour Bluesky révèle-t-il un vrai basculement dans la façon dont nous concevons les réseaux sociaux, ou seulement une tentative éphémère pour échapper aux dérives de X ?
Qui investit réellement Bluesky ? Quelques têtes d’affiche, du politique (Ocasio-Cortez, Barack Obama, Hillary Clinton) aux entrepreneurs (Mark Cuban), en passant par des médias et même des gouvernements, affichent leur présence. Mais le phénomène reste-t-il confidentiel ou amorce-t-il une vague de fond, à l’image de la révolution décentralisée promise par mastodon ou les communautés open source ? Les nouveaux venus y trouvent-ils des fonctionnalités dignes de X ou doivent-ils composer avec une interface encore incomplète, notamment l’absence de messages groupés ou une offre de vidéo verticale timidement calquée sur TikTok ?
La question de la sécurité et de la modération n’échappe pas non plus à Bluesky, qui, malgré ses efforts récents (drapeaux sur les liens suspects, vérification par email, politiques agressives contre l’usurpation), a dû reconnaître des insuffisances, notamment concernant la protection de ses usagers les plus vulnérables. Les outils automatiques de personnalisation de fil, quant à eux, séduisent autant qu’ils inquiètent : sommes-nous prêts à confier à de nouveaux algorithmes la gestion de notre attention ?
Le pari de Bluesky repose donc sur une ouverture sans précédent : tout le monde peut créer son propre service à partir du protocole AT, emportant ses contacts et ses publications, une promesse alléchante, mais aussi risquée. Car si l’écosystème Bluesky croît, la fragmentation des communautés et des applications risque-t-elle de recréer le chaos que vivaient les débuts du web social ?
À l’heure où l’effet de curiosité retombe, Bluesky doit désormais démontrer qu’il ne sera pas seulement un refuge temporaire, mais bien le foyer d’une conversation publique résiliente, inclusive et innovante. Mais alors, les internautes sont-ils véritablement prêts à changer durablement leurs habitudes numériques et à donner leur chance au pari décentralisé de Bluesky ?
Source : Techcrunch




