Face à la multiplication des outils d’intelligence artificielle, peut-on véritablement parler de « révolution » dans la chaîne logistique ou s’agit-il, comme certains le craignent, d’un simple effet de mode réservé aux grandes entreprises ?
Derrière le battage médiatique sur l’IA, un secteur semble pourtant profiter pleinement de son essor : la logistique. Entre les annonces fracassantes de Flexport, Uber Freight ou de multiples startups émergentes, comment distinguer l’innovation utile du gadget, surtout pour les PME souvent délaissées par la course aux bénéfices des multinationales ?
Netstock, une société bien installée dans la gestion des stocks, propose une réponse intrigante. Fondée il y a plus de dix ans, elle a lancé récemment l’“Opportunity Engine”, un outil collaboratif boosté à l’IA générative. Cet assistant intégré au tableau de bord du client pioche directement dans les ERP pour livrer des recommandations personnalisées et en temps réel. À en croire Netstock, les résultats seraient au rendez-vous : plus d’un million de suggestions générées et, pour 75% de ses clients, un avantage financier supérieur à 50 000 dollars grâce à ces conseils. Mais ces chiffres impressionnants cachent-ils des limites, ou bien révèlent-ils une solution miracle adaptée aux plus petits acteurs de la logistique ?
L’IA promet une transformation profonde de la gestion des stocks, mais reste-t-elle sous le contrôle des experts humains ou ouvre-t-elle la porte à une automatisation opaque ?
L’exemple de Bargreen Ellingson, une entreprise familiale du secteur de la restauration, révèle des résistances compréhensibles mais surmontables. Son directeur de l’innovation, Jacob Moody, admet que la culture maison se méfie des solutions « boîte noire » : il a donc choisi d’intégrer l’outil comme une aide optionnelle, permettant aux responsables de s’approprier ou d’ignorer les suggestions d’IA à leur rythme. Le résultat ? Même si l’IA ne livre pas toujours des recommandations irréprochables, elle permet d’identifier rapidement les signaux importants dans une mer de rapports, et d’améliorer l’efficacité des employés les moins expérimentés.
Mais jusqu’où cette délégation du savoir-faire peut-elle aller ? Moody insiste pour que l’humain garde la main sur les principales décisions, tout en reconnaissant que l’IA permet à des profils moins qualifiés d’accéder à une expertise jusque-là réservée aux analystes chevronnés. Faut-il y voir un moyen d’émancipation… ou le risque d’une standardisation excessive de la gestion, au détriment de l’intelligence métier ?
Du côté de Netstock, la prudence demeure. Barry Kukkuk, cofondateur de la société, met en avant la robustesse des modèles nourris par des années de données, renforcés par les retours clients via des évaluations et l’analyse des actions réelles. Contrairement à un usage toxique de l’IA dans les réseaux sociaux, ici, l’objectif affiché est d’optimiser le résultat client, et non la captation d’attention. Cette volonté de garder l’outil discret et non intrusif tranche avec la tendance actuelle à surcharger les logiciels de fonctionnalités d’IA parfois inutiles.
Pourtant, cette innovation demeure fragile. Moody reste vigilant sur les conséquences à long terme : moins de profils experts nécessaires dans les entrepôts, savoirs tacites en danger, transformations de l’emploi… Si le progrès technologique s’invite au cœur des PME, saura-t-on préserver la pertinence humaine face à la machine ?
Alors, l’IA dans la logistique est-elle une véritable démocratisation de l’expertise, ou un risque d’aliénation qui exige plus que jamais un regard critique ?
Source : Techcrunch




