Ah, la technologie ! Tour à tour, elle nous promet l’efficience, la transparence, voire la liberté… tout en construisant, mine de rien, quelques cages dorées. Aujourd’hui, les frontières physiques ne sont plus qu’accessoires : le contrôle se joue sur la membrane poreuse de nos données, où le Japon imprime encore frénétiquement ses factures tandis qu’aux États-Unis, l’ICE asphyxie la liberté avec les pixels de la surveillance algorithmique. Voilà donc le bal paradoxal : ici, on tente de scanner la bureaucratie, là-bas, on traque les migrants par reconnaissance faciale, tout cela à coups de mégadollars et d’IA grand luxe.
Chassés croisés : au Japon, Bakuraku tente d’émanciper l’employé de la paperasse — le règne du tampon encreur cédant la place au glorieux click, pendant que LayerX rêve d’atomiser “Excel le Monstre” à grands coups de SaaS et de Grandmasters Kaggle. De l’autre côté du Pacifique, c’est l’automatisation qui sert d’outil de pouvoir : la gestion numérique des identités, la compilation froide du “doute” par Palantir (et consorts), le tout supervisé par des algorithmes qui jugent et décident si votre coup de tampon mérite la remigration express. Effacer l’erreur de frais ou effacer l’humain… question d’échelle, ou d’éthique ?
Le contrôle, en définitive, n’est plus seulement technique ; il s’immisce sur le marché du travail. Oubliez la lutte pour une validation de note de frais – le vrai ring, c’est celui de LinkedIn et OpenAI, où l’IA n’est plus seulement préposée aux poèmes d’anniversaire, mais devient le chasseur de têtes ultime, prêt à disrupter l’emploi lui-même (lire la saga sur LinkedIn vs OpenAI). Demain, qui filtrera mieux : le broker de migrants par biométrie, ou le courtier de travailleurs par matching ? Des frontières, toujours des frontières — administratives, numériques, sociales.
En 2025, l’humanité ne se demande plus qui tient la baguette, mais si l’orchestre joue encore pour elle ou seulement pour ses algorithmes.
Peut-on vraiment applaudir la fluidité du recrutement automatisé, tout en condamnant la brutalité de la sélection algorithmique des vies désignées “à surveiller” ? Pendant que la Maison-Blanche rêve d’un peuple synchronisé avec l’IA pour la présidentielle, l’administration nippone ose à peine jeter ses agrafeuses, mais accélère la digitalisation pour survivre à la démographie moribonde. L’utilitarisme technologique nie-t-il toujours l’individu, que ce soit la productivité d’un salarié, le dossier d’un exilé ou le CV du prochain diplômé de l’OpenAI Academy ?
En arrière-plan, la même interrogation esquissée : sommes-nous en train de bâtir une société plus harmonieuse, plus efficace, voire plus “juste”, ou simplement de perfectionner l’art de l’exclusion automatisée ? Ce qui relie tous ces sujets — de la chasse numérique aux migrants à la chasse automatique des talents, en passant par la traque des erreurs de frais —, c’est un étrange culte de l’IA comme magicienne insensible. Et si la prochaine frontière à surveiller, ce n’était pas la géographie ou le workflow, mais notre capacité collective à dire stop, avant que la technique ne tienne le gouvernail de tout ce qui fait de nous des humains ?




