La technologie, dans sa course effrénée, aime à recycler ses promesses éternelles. Qu’il s’agisse de dompter le feu du soleil sur Terre grâce à la fusion nucléaire façon CFS ou de faire jaillir la chaleur du sous-sol à Manchester via la géothermie à jets d’eau, chaque startup brandit le Graal d’une énergie propre, abondante et à bas coût. Les dollars pleuvent comme photons sur les panneaux solaires, surfant sur l’angoisse d’une planète à bout de souffle. Mais l’autre réaction en chaîne, souvent tue, reste celle qui fissure nos sociétés : l’omniprésence de l’IA, son emprise sur l’information, et son intrusion jusque dans ce que nous croyons encore authentique, de la voix humaine jusqu’à nos débats les plus intimes.
Qu’elles promettent la lumière de la fusion ou la fraîcheur d’un chauffage géothermique sans fossiles, toutes ces révolutions sont portées par les mêmes géants – Google soutient la fusion, PayPal veut dominer les paiements du futur, tandis que l’IA façonne aussi bien nos médias que nos systèmes économiques. Or, cette interconnexion ne se limite pas à l’ingénierie : elle infiltre la culture, le travail et même notre identité. Car pendant que la fusion tente d’illuminer Boston, que la taupe de Dig Energy offre des économies d’énergie domestique, Google entend capter, transformer et monétiser nos contenus, nos transactions et nos voix – de l’article plagié pour une IA jusqu’à la pub ciblée dans un chatbot.
Le paradoxe ? Plus le progrès s’annonce lumineux, plus la fragilité structurelle du numérique s’étale au grand jour. Vouloir électrifier l’Amérique à coups de plasma ou de mini-forages, c’est oublier que les fondations vacillent : fuite de données massives chez Allianz, Qantas ou Cisco grâce à un cloud présenté comme inviolable, mais compromis. La sécurisation de l’énergie ou du paiement devient vaine si la confiance en l’infrastructure s’effondre, comme ces plateformes où même la voix – grâce à la start-up Vocal Image – se reprogramme à coups d’algorithmes. D’un côté, on rêve d’une IA qui écoute, soigne, conseille ; de l’autre, on ne sait même plus si ce qui répond dans un forum ou une appli est humain ou robot. Bienvenue dans la forêt des apparences où chaque voix d’ange peut masquer un bot… ou une pub de Koah.
Plus la technologie promet le contrôle, plus s’étend la zone d’ombre où se glissent opacité, manipulation… et vulnérabilité.
Le triomphe de la fusion, la démocratisation de la géothermie, la fluidité des “PayPal Links”, l’avènement de l’IA vocale ou publicitaire : tout converge sans pitié vers une société où l’autonomie privée se paie au prix d’une dépendance accrue aux infrastructures opaques. L’intégrité de l’information, la sécurité des échanges, la sincérité de la parole deviennent des chimères – et l’illusion de contrôle vire au mirage, lorsque même les médias s’inclinent devant Google ou OpenAI pour la monétisation… ou la distribution de la connaissance.
Rêver l’énergie du soleil, forer la Terre, écouter la voix humaine ou capter le moindre paiement : chaque innovation technologique nous propulse plus loin dans l’inconnu, brouillant la frontière entre autonomie et assujettissement. La seule chose que la tech fusionne à coup sûr, c’est notre ingénuité collective – coincée entre la lune, le cloud, et la toute-puissance des géants numériques. Alors, à quand la prochaine révolution qui promettra non pas de nous éclairer, mais de nous libérer enfin de ceux qui détiennent déjà toutes nos clés numériques ?




