Pourquoi une application de VTC se transforme-t-elle tout à coup en super-app, bouleversant le marché des services numériques dans des régions du monde où l’accès aux produits essentiels reste parfois un défi ? inDrive, géant du VTC jusque-là peu connu hors d’Asie et d’Amérique latine, se lance aujourd’hui dans l’aventure des super-apps, espérant conquérir Kazakhstan, Brésil, Colombie, Égypte, Pakistan, Pérou et Mexique en misant sur la livraison de courses et autres services du quotidien. Mais quelles sont les chances réelles de succès dans des marchés aussi hétérogènes ?
La stratégie d’inDrive semble simple : fidéliser l’utilisateur en devenant indispensable. « Plus les clients utilisent l’application fréquemment, plus ils y restent fidèles et plus ils ont de valeur pour l’écosystème » explique Andries Smit, responsable du développement chez inDrive. Mais derrière cette logique, quels sont les risques à vouloir tout centraliser — livraison de courses, services financiers, mobilité douce — là où la concurrence locale et internationale fait déjà rage et où les habitudes de consommation varient énormément ?
Derrière ses 360 millions de téléchargements et ses 6,5 milliards de transactions, inDrive avance un premier essai convaincant au Kazakhstan : un service de livraison de produits alimentaires en 15 minutes, 5 000 références, un score de satisfaction client de 83 %, et des utilisateurs qui commandent en moyenne cinq fois par mois. Pourtant, comment transposer ce succès naissant à d’autres territoires où les réseaux de magasins de proximité, les attentes et la logistique sont radicalement différents ? inDrive a déjà investi lourdement dans des « dark stores » au Kazakhstan, mais le modèle reste à adapter ailleurs.
Le pari d’inDrive : devenir la solution incontournable du quotidien sur des marchés émergents, là où d’autres géants ont échoué ou n’osent pas s’aventurer.
Pourquoi alors choisir le Kazakhstan comme terrain d’expérimentation ? Si le pays affiche une croissance rapide de son écosystème technologique – valorisé à 26 milliards de dollars et multiplié par 18 depuis 2019 – et une population qui s’est fortement digitalisée, inDrive y bénéficie aussi de sa plus grande équipe en R&D et opérations. Mais cela suffira-t-il pour dépasser la concurrence locale, même avec des prix « façon Aldi » ? La promesse d’accessibilité suffira-t-elle face à des problématiques d’inégalités et de difficultés d’approvisionnement, ou sera-t-elle freinée par les réalités économiques et sociales de la région ?
L’ambition de la super-app n’est pas sans précédents. Là où WeChat et Gojek ont réussi, méga-plateformes comme Meta ou Uber ont échoué à imposer le concept de super-app en dehors de leurs marchés phares. Smit croit convaincre en misant sur l’IA et l’inclusion numérique – notamment pour les personnes en situation de handicap ou à faible niveau d’alphabétisation – mais cette personnalisation, aussi technologiquement séduisante soit-elle, peut-elle compenser les besoins très spécifiques de chaque pays ?
D’ailleurs, face à la concurrence d’Uber Eats et autres mastodontes, inDrive cible un public parfois délaissé : des consommateurs ultra-souciés du prix, pour lesquels chaque centime compte. Mais leur fidélité est-elle vraiment acquise ou s’agit-il d’un segment difficilement rentable sur le long terme ? L’entreprise doit aussi gérer l’énigme indienne, où, malgré une présence notable et des essais dans la logistique, elle perd du terrain face à Uber, Ola ou Rapido. Est-ce le modèle économique, des problèmes de sécurité, ou simplement une question de temps d’adaptation ?
Pour l’avenir, inDrive promet une extension rapide de ses services — micro-mobilité, offres financières, partenariats avec des commerces locaux. Est-ce l’agilité qui fera sa force ou son talon d’Achille, face à la complexité des marchés et à la nécessité d’établir des liens de confiance sur le terrain ?
Finalement, la grande question demeure : inDrive a-t-elle trouvé la formule magique pour réussir là où tant d’autres ont échoué, ou bien s’apprête-t-elle à affronter les mêmes obstacles qui ont fait trébucher ses rivaux ?
Source : Techcrunch
