Le marché boursier indien est-il prêt à accueillir un géant de la lunetterie qui se rêve en nouvelle success story technologique ? Ce lundi, l’introduction en Bourse de Lenskart, poids lourd du secteur de l’optique, n’a pas manqué de soulever de vives interrogations sur la véritable valeur de l’entreprise et la solidité de son modèle. Comment expliquer une opération aussi rapidement souscrite, face à des doutes persistants sur sa rentabilité à long terme ?
Dès l’ouverture, l’action Lenskart a fluctué, passant sous son prix d’introduction (402 ₹) pour remonter légèrement en fin de séance à 404,55 ₹. Comment expliquer ce parcours en montagnes russes ? Malgré une valorisation de quelque 8 milliards de dollars, reflétant plus de 28 fois la demande par rapport à l’offre, certains analystes se demandent si cet engouement ne masque pas des risques sous-jacents. Les investisseurs institutionnels seraient-ils les seuls à croire réellement au potentiel du géant indien, ou les particuliers surfent-ils sur une vague de hype ?
Lenskart avance un argument de poids : sa maîtrise de toute la chaîne, du design à la distribution, pourrait bousculer des acteurs traditionnels comme Titan Eye+ ou de nouveaux pure players digitaux. Mais la concurrence acharnée, tant sur les prix que sur l’innovation, n’incite-t-elle pas à la prudence ? La rentabilité du modèle, à l’échelle nationale et internationale, reste encore à consolider malgré une croissance affichée à 23 % l’an et un bénéfice net en trompe-l’œil, gonflé par des effets comptables plus que par des flux de trésorerie réels.
Malgré une IPO spectaculaire, la valorisation de Lenskart divise et fait douter du potentiel réel de l’entreprise sur le long terme.
La valorisation, elle, en fait bondir plus d’un : près de 230 fois le bénéfice net (hors éléments exceptionnels) et 10 fois le chiffre d’affaires. N’est-ce pas le signe d’une bulle prête à éclater ? Même DSP Asset Managers, qui a soutenu Lenskart avant l’IPO, reconnaît le prix « élevé » de l’opération, tout en misant sur la capacité du business à s’étendre. Jusqu’où l’appétit des investisseurs peut-il aller face à de tels multiples ?
Peyush Bansal, fondateur et visage télévisé de la marque avec Shark Tank India, se veut rassurant : l’IPO aurait été « justement valorisée », avec le soutien manifeste des grandes institutions. Mais n’était-ce pas déjà le mot d’ordre lors des précédentes introductions de startups indiennes, avant que certaines ne déçoivent en bourse ? La mission affichée de démocratiser l’optique dans toute l’Inde suffit-elle à faire oublier les signaux d’alerte ?
Au-delà des chiffres, Lenskart promet de réinjecter des fonds dans sa croissance, à travers l’ouverture de nouveaux magasins, l’optimisation de sa chaîne logistique ou encore l’investissement dans le marketing. Une part des capitaux servira aussi, à terme, à d’éventuelles acquisitions. Mais ce plan agressif n’est-il pas risqué alors que plusieurs investisseurs historiques comme SoftBank ou Premji Invest profitent de l’IPO pour céder une partie de leurs parts, tout comme les fondateurs ?
Dans le sillage de la cotation de Lenskart, un grand nombre de jeunes pousses indiennes se préparent à sauter le pas des marchés publics, sur fond de raréfaction du capital-risque et d’appétit croissant des épargnants nationaux. Mais à l’heure où la valorisation prime parfois sur la viabilité, la question demeure : jusqu’où peut-on pousser la logique de valorisation avant que le marché ne reprenne ses droits ?
La frénésie boursière autour de Lenskart préfigure-t-elle une nouvelle ère pour la tech indienne ou n’est-elle que le signe annonciateur d’une correction inévitable ?
Source : Techcrunch




