Est-ce que la France va réussir à détrôner les géants américains de l’intelligence artificielle ? Alors que tout le monde parle des progrès fulgurants d’OpenAI et de Google, une startup française fait de plus en plus de bruit : Mistral AI. Mais derrière la hype, que se cache-t-il vraiment ? Est-ce une révolution ou juste une énième licorne valorisée à milliards ?
Mistral AI, très tôt portée aux nues par Emmanuel Macron, semble incarner l’ambition technologique de la France. Le président lui-même encourageait au début 2025 : « Téléchargez Le Chat, fait par Mistral, plutôt que ChatGPT d’OpenAI. » À la suite de ces coups de projecteur, la société a multiplié les levées de fonds et les invitations aux plateaux télé. Mais quelle est la trajectoire réelle de cette pépite, et à qui doit-elle sa croissance fulgurante ?
Après avoir été valorisée à 6 milliards de dollars à l’été 2024, Mistral AI a vu son envergure exploser avec une nouvelle levée en septembre 2025, emmenée cette fois par le géant néerlandais des semi-conducteurs ASML. Montant de l’opération : 1,3 milliard d’euros investis, nouvelle valorisation turbo : près de 14 milliards de dollars. Un partenariat stratégique a même été signé pour intégrer l’IA de Mistral dans les produits d’ASML. Est-ce un tournant pour l’écosystème technologique européen ou simplement un concours de capital-risqueurs ?
La montée en puissance de Mistral pose la question de la souveraineté européenne dans l’IA face aux mastodontes américains.
Derrière cette croissance accélérée, Mistral a multiplié les annonces : enchaînement de modèles (Mistral Large 2, Pixtral, Magistral, Voxtral, Devstral…), ergonomie améliorée de son assistant Le Chat, API optimisées pour les entreprises, nouveaux contrats avec la presse (AFP) ou la Défense… La société revendique une ambition « verte » et « ouverte », mettant en avant l’open source, même si tous ses modèles ne le sont pas réellement. À qui s’adresse cette stratégie d’ouverture partielle : chercheurs, startups, multinationales ? Est-ce un début de « French way » de l’IA ?
Côté business, le modèle est hybride : le grand public peut tester Le Chat gratuitement ou souscrire à un abonnement payant, tandis que les entreprises accèdent à des modèles premium sous licence. S’y ajoutent une pluie de contrats stratégiques avec Microsoft, IBM, Orange, l’armée française, Stellantis ou encore des initiatives publiques comme « AI for Citizens ». Mistral cherche manifestement à s’imposer comme un acteur incontournable, tant pour l’économie que pour les pouvoirs publics. Faut-il y voir une dépendance croissante de l’État aux startups privées, ou un gage de dynamisme ?
Mais qui pilote vraiment ce champion national ? Les trois cofondateurs puisent tous dans la Silicon Valley : Arthur Mensch passé par DeepMind/Google, Timothée Lacroix et Guillaume Lample venus de Meta. Parmi les soutiens, on croise aussi Jean-Charles Samuelian-Werve (Alan) et l’ex-secrétaire d’État Cédric O, figure controversée de la politique numérique hexagonale. La réussite serait-elle possible sans ces réseaux et une petite dose de pantouflage ?
Enfin, une question essentielle subsiste : que fera Mistral, à terme, de son incroyable valorisation ? L’IPO est désormais le scénario privilégié, selon Arthur Mensch, excluant une revente à l’étranger… du moins en façade. Mais le seul moyen de tarir les rumeurs sur une acquisition par un géant américain – Apple ou autre – sera encore de faire grimper son chiffre d’affaires à la hauteur de ses ambitions. La France a-t-elle vraiment tiré le « bon numéro » de la loterie de l’IA, ou Mistral risque-t-il de repartir dans le vent médiatique mondial ?
Source : Techcrunch




