La révolution du paiement numérique en Inde est-elle vraiment en train de transformer le modèle économique des fintechs, ou certains restent-ils sur le carreau ? Alors que l’UPI, ce système soutenu par l’État, a tout bouleversé en rendant les virements instantanés totalement gratuits, la question de la rentabilité reste entière pour la plupart des acteurs du secteur. Qui sont ceux capables de transformer ce défi en opportunité, et comment s’y prennent-ils justement ?
C’est dans ce contexte tendu que Super.money, la branche fintech de Flipkart, dévoile sa riposte : une alliance stratégique avec Kotak811, l’offre digitale de la puissante Kotak Mahindra Bank. Objectif déclaré : fusionner paiements UPI, épargne et crédit sécurisé dans un “Super Compte 3-en-1” destiné à générer du profit là où d’autres ne voient qu’un service gratuit. Mais ce modèle va-t-il convaincre ceux qui n’ont jamais eu accès au crédit auparavant ? Et à quel prix ?
Super.money ne cache pas ses ambitions. L’entreprise espère distribuer deux millions de cartes de crédit sécurisées rien que l’an prochain, et viser les cinq millions à l’horizon deux ans, avec en ligne de mire 60% de nouveaux emprunteurs. Le pari de Prakash Sikaria, PDG, est clair : faire du nouveau partenariat avec Kotak jusqu’à 10% du chiffre d’affaires d’ici 2025—chiffre d’affaires qui, rappelons-le, atteint déjà près de 36 millions de dollars par an. Mais ce modèle de croissance est-il viable dans un marché où l’essentiel des paiements sont gratuits ?
Super.money mise sur l’intégration des services financiers pour survivre dans un écosystème sans frais.
En Inde, la gratuité de l’UPI a laissé de nombreux concurrents sur le banc de touche, incapables de monétiser leurs services à cause d’une interdiction des frais commerciaux. Mais Super.money parvient à contourner l’obstacle grâce à ses cartes garanties par dépôt, qui offrent à la fois cashbacks et récompenses—des fonctions exclues du système de paiement d’origine. Peut-on vraiment parler d’innovation, ou s’agit-il seulement de redéployer des recettes déjà connues ?
Concrètement, pour ouvrir un Super Compte, un simple dépôt de 1 000 roupies suffit (environ 11 dollars). Ce montant n’est pas bloqué à perte : il rapporte des intérêts et permet d’accéder à une carte de crédit sans justificatif de revenu, tout en générant du cashback à chaque usage. Le tour de passe-passe : la carte sécurisée déclenche de nouveaux revenus de la part des commerçants, qui financent à leur tour les avantages client. Cette recette peut-elle ouvrir la voie à un nouveau modèle d’inclusion financière ?
Au-delà du simple paiement, l’application s’impose rapidement parmi les cinq plus gros acteurs UPI du pays, en traitant plus de 200 millions de transactions par mois ces derniers mois. Et la machine commerciale ne compte pas s’arrêter là : Super.money entend reproduire le modèle Klarna du “payer en trois fois” à l’échelle indienne. Avec près de 80% du revenu provenant déjà des prêts personnels et une base de clients largement composée de moins de 30 ans, leur stratégie semble claire. Mais jusqu’où peuvent-ils pousser l’extension de leurs services sans risquer une explosion des coûts et de la concurrence ?
Derrière ces chiffres prometteurs, une question fondamentale demeure : le modèle fondé sur la combinaison d’un service bancaire, d’une offre de crédit et d’un cashback automatisé peut-il s’imposer de manière durable et franchir le cap de la rentabilité pour l’ensemble de l’écosystème indien du paiement digital ?
Source : Techcrunch




