Pourquoi les rencontres en ligne semblent-elles stagner dans une suite de conversations interrompues avant même d’avoir commencé ? Que se cache-t-il derrière ces silences gênants, ces likes muets et ces démarrages ratés sur Hinge, l’une des applications de dating les plus populaires ? Alors que beaucoup de célibataires se plaignent d’un manque d’initiative et de créativité dans les premiers contacts, Hinge a décidé de miser sur l’intelligence artificielle. Mais cette solution est-elle vraiment à la hauteur des attentes — ou risque-t-elle d’aseptiser encore davantage l’expérience de la rencontre numérique ?
La réponse de la plateforme : l’arrivée de « Convo Starters », une fonctionnalité alimentée par l’IA qui promet de transformer la manière dont les utilisateurs brisent la glace. Le concept est simple, presque trop beau pour être vrai : au moment d’aimer un profil, trois suggestions personnalisées sont générées sous chaque photo ou prompt. L’objectif affiché ? Inspirer confiance et originalité pour éviter le traditionnel « salut, ça va ? » devenu le symbole du manque d’inventivité sur les applis de rencontre. Peut-on vraiment croire qu’une suggestion sur mesure suffira à pallier ce malaise persistant des débuts de conversation ?
Pour bâtir cette IA, Hinge a analysé un nombre impressionnant de profils et d’habitudes d’utilisateurs. Les premiers résultats affichés par l’entreprise semblent donner raison à ce parti pris : d’après les chiffres, 72 % des membres seraient plus enclins à engager un échange si le like est accompagné d’un message personnalisé. Mieux encore, ceux qui osent commenter en plus de liker doublent leurs chances de décrocher un rendez-vous. Mais suffit-il d’un conseil clé en main pour réveiller l’audace des célibataires ou s’agit-il d’un pansement sur une fracture plus profonde du dating digital ?
Derrière la promesse de l’IA, un doute persistant : peut-on vraiment injecter de la spontanéité par algorithme ?
Cette initiative suit la lignée d’autres outils IA déjà testés par Hinge, comme « Prompt Feedback », destiné à améliorer la qualité des réponses et à inciter à plus d’authenticité. Mais alors que Match Group, la maison-mère, déverse entre 20 et 30 millions de dollars dans ces technologies, un fossé générationnel se creuse. Gen Z, pourtant hyper-connectée, se montre méfiante : selon une enquête Bloomberg Intelligence, elle reste majoritairement sceptique face à l’irruption de l’IA dans l’intimité de la séduction. Est-ce leur façon de préserver une part d’authenticité ou le signe d’une défiance face à la standardisation du flirt par automatisation ?
Finalement, on peut se demander si l’intelligence artificielle, aussi sophistiquée soit-elle, ne va pas finir par uniformiser les débuts de conversation, là où l’on espérait plus de sincérité, d’audace et — pourquoi pas — d’imprévus. Faut-il craindre que les rencontres en ligne deviennent un échange de phrases préfabriquées, sous prétexte de réduire l’anxiété ou la peur du refus ? Les utilisateurs accepteront-ils de déléguer à l’IA une part de leur personnalité, ou vont-ils au contraire réclamer des échanges plus bruts, imparfaits mais honnêtes ?
Hinge et ses concurrentes entrent dans une ère nouvelle, où la frontière entre assistance et prise en main est de plus en plus floue. Les millions investis dans l’IA suffiront-ils à convaincre les habitués des swipes que l’alchimie — même numérique — doit encore venir du cœur, et non d’un serveur distant ? Ou assisterons-nous à la naissance d’un dating aseptisé, optimisé mais désenchanté ?
En définitive, la vraie question demeure : cette course à l’intelligence artificielle va-t-elle réenchanter les rencontres… ou finir de leur ôter leur saveur et leur imprévu ?
Source : Techcrunch




