Dans quelle mesure la technologie, censée fluidifier nos existences et pimenter notre quotidien, ne fait-elle pas parfois office… de projection de nos plus formidables incohérences ? Chez Bluesky, le drama virtuel s’enrobe de gaufres pour masquer des pieux débats sur la modération – on y discute inclusion, mais l’arôme entêtant du malaise plane. Pendant ce temps, Amazon injecte de l’intelligence artificielle dans le panier de courses avec la subtilité d’un vendeur de tapis sous amphétamines : “Help me decide” devient la voix de la raison… ou celle du banquier en PLS.
Là où Bluesky détourne la conversation vers les brunchs, Amazon la détourne de votre grille-pain pour vous faire acheter… un autre grille-pain connecté. Dans un monde où l’on glisse d’une polémique identitaire à une embrouille logistique, la livraison elle-même n’a plus besoin d’humain. Avec Waymo et DoorDash, c’est la Jaguar autonome qui vient garer vos sushis sur le trottoir, parce qu’il ne faudrait surtout pas que votre expérience d’homo digitalus soit gâchée par un échange entre êtres vivants.
On aurait pu croire que l’IA simplifierait nos choix de consommation, que la décentralisation ouvrirait des espaces de parole réellement inclusifs, et que la robotique effacerait la corvée culinaire jusqu’à la sonnette. Soudain, la promesse vacille : sur Bluesky, la représentation des minorités s’effrite derrière un emoji gaufre ; Amazon s’impose médiateur de nos pulsions consuméristes, taupe dans le cerveau du client ; et, ironie suprême, Waymo livre en mode “autonome” mais vous fait traverser la canicule pour mériter vos chips… Non, la technologie ne gomme pas tout – elle change juste la forme de nos contradictions.
La technologie promet la fluidité, mais chaque avancée déplace simplement le point de friction… le vrai bug, c’est nous.
Car voilà, que nous reste-t-il ? Des failles de modération masquées par des memes, des algorithmes qui réécrivent l’incertitude sous forme de bouton magique, des robots qui complexifient la livraison à domicile pour préserver, sous couvert de progrès, ce qui ne change jamais : la bonne vieille inertie humaine. De la polémique sur l’inclusivité à la simplification factice de nos choix ou à l’autonomie… si l’histoire technologique devait avoir un goût, ce serait peut-être celui de la gaufre froide sortie trop tôt du grille-pain.
À défaut de faire progresser l’humanité, ces innovations racontent surtout nos envies de contrôle, nos allergies à l’effort, et notre incapacité chronique à mettre tout le monde d’accord – que ce soit sur l’épaisseur des gaufres, l’utilité du bouton “Aide-moi à choisir” ou le nombre d’escaliers à gravir jusqu’à son coffre. Et si, derrière chaque révolution annoncée, il n’y avait finalement qu’une façon supplémentaire de nous rappeler à notre condition très imparfaite d’humain surconnecté et jamais vraiment satisfait ?




