Pourquoi Tesla a-t-elle mis près de dix ans à concrétiser son implantation en Inde, malgré l’immensité du marché et l’insistance d’Elon Musk depuis 2016 ? Cette arrivée tant attendue soulève autant d’enthousiasme que de scepticisme. Alors que la première « Experience Center » vient d’ouvrir à Mumbai, le paysage automobile indien est-il prêt à accueillir le géant californien, ou ce lancement dissimule-t-il des obstacles majeurs encore non résolus ?
L’emplacement choisi, un mall chic du quartier d’affaires de Mumbai, annonce la couleur : Tesla cible d’abord une clientèle urbaine aisée avec son Model Y importé de Shanghai. Mais à près de 68 000 dollars pour la version de base, qui peut s’aligner sur ces prix en Inde, où la majorité des véhicules électriques vendus sont des deux-roues abordables ? L’expérience Tesla, c’est aussi un dépôt non remboursable de 260 dollars pour réserver et une promesse de livraisons étalées jusqu’au quatrième trimestre, tandis que la marque installe au compte-gouttes de premières stations de recharge à Mumbai et Delhi.
Derrière cette ouverture en fanfare, la stratégie de Tesla en Inde intrigue : le géant américain ne cache pas son intention de continuer à importer ses voitures, d’abord depuis la Chine, puis peut-être depuis l’Allemagne, alors même que le gouvernement indien pousse à la localisation de la production. Pourquoi Musk demeure-t-il si réticent à établir une usine en Inde ? Manque-t-il de confiance dans la dynamique locale, ou cherche-t-il à jauger la réponse du marché avant d’investir ?
Le lancement de Tesla en Inde s’annonce plus comme une prise de température du marché que comme un engagement massif pour l’électrification du pays.
Malgré près de 6 millions de véhicules produits par an en Inde, la part de marché des voitures électriques reste faible, l’électrification étant surtout portée par les scooters et motos. L’objectif affiché de 30 % de véhicules électriques d’ici 2030 semble lointain vu la concurrence locale, en particulier des constructeurs chinois, et les arrières-pensées fiscales qui pèsent sur les importations. Le récent abaissement des taxes à l’import doit-il être lu comme une victoire pour Tesla ou une main tendue de l’Inde pour accélérer l’adoption de nouvelles technologies ?
D’autant que la maison Tesla vacille sur ses marchés traditionnels. En Chine, face à la percée de BYD, en Europe où la marque voit ses ventes chuter pour le cinquième mois consécutif, et même aux États-Unis où sa domination s’érode, Musk cherche-t-il à ouvrir de nouveaux fronts pour compenser la concurrence féroce ? L’Inde devient-elle un laboratoire ou un terrain de repli face à ces revers ?
Le contexte est encore plus trouble lorsqu’on s’attarde sur la gouvernance locale : alors que plusieurs postes clés restent vacants ou changent fréquemment de mains, Tesla semble gérer son expansion avec prudence, voire à tâtons. L’absence d’une direction solide en Inde n’est-elle pas un signe que la marque teste les eaux avant d’ancrer plus fermement sa présence ?
Dans cette équation, un enjeu capital demeure. L’Inde présente à la fois une opportunité énorme et un piège potentiel pour tous ceux qui sous-estiment la complexité de son marché automobile. Finalement, l’arrivée de Tesla ouvre-t-elle vraiment la porte à la révolution électrique promise ou bien n’est-elle qu’une promesse de plus, suspendue à mille incertitudes ?
Source : Techcrunch




