Pourquoi tant d’attente pour finalement si peu d’enthousiasme ? C’est la question que doivent se poser de nombreux fans de Tesla en Inde, alors que le constructeur californien vient tout juste d’ouvrir ses portes à Mumbai, neuf ans après avoir évoqué son arrivée sur le sous-continent. Comment expliquer le décalage entre l’excitation initiale et le sentiment de déception généralisé chez ceux qui rêvaient d’une Tesla sur les routes indiennes ?
Des passionnés comme Vishal Gondal – entrepreneur de la tech et parmi les tout premiers à avoir réservé une Model 3 dès 2016 – confient aujourd’hui leur désillusion. “Je me suis senti un peu déçu”, raconte-t-il après avoir parcouru le nouveau showroom, quelques années après avoir dû batailler pour récupérer le millier de dollars de sa réservation. Pourquoi la marque n’a-t-elle pas su entretenir la flamme auprès de ses pionniers, même après une attente interminable ponctuée d’un remboursement laborieux ?
Ils étaient pourtant nombreux, ces fidèles de la première heure, à espérer que Tesla révolutionnerait le marché indien. Mais neuf ans après les premières promesses d’Elon Musk, ils affirment pour la plupart avoir tourné la page, certains comme Varun Krishnan regrettant même que Starlink — autre projet de Musk — ait obtenu le feu vert en Inde plus rapidement que les voitures électriques de la firme. Cette frustration se double d’un sentiment d’abandon : aucun invité spécial pour les premiers “backers”, pas de communication dédiée, et un lancement jugé “froid” voire insignifiant, comparé à celui d’Apple dans le même quartier de Mumbai.
Après tant d’années d’attente, la magie Tesla semble avoir disparu chez ses tout premiers fans indiens, face à une arrivée tardive et sans éclat.
Pourquoi Tesla a-t-il raté la marche auprès de ceux qui avaient porté sa marque à bout de bras ? Vishal Gondal n’est pas le seul à exprimer ce sentiment d’injustice : “Le moins que Tesla aurait pu faire, c’est de convier tous ceux qui avaient réservé leur voiture à un événement privilégié.” D’autres, comme Kawaljit Singh Bedi, se disent désabusés et ne voient plus l’intérêt d’être parmi les tout premiers clients locaux de Tesla. Dès lors, la stratégie commerciale du constructeur peut-elle fonctionner sans l’appui de ces influenceurs prescripteurs ?
Au-delà des désillusions, un autre point d’inquiétude pèse : l’absence de communication sur l’entretien après-vente et le développement du réseau de Superchargeurs. Tesla promet huit bornes à Delhi et Mumbai, mais cela suffira-t-il dans un marché encore balbutiant pour les véhicules électriques ? La concurrence avance, Tata Motors en tête, tandis que les premiums étrangers lorgnent également sur ce créneau. Tesla offre-t-il à ce stade un argument suffisamment solide, au-delà du simple prestige de la marque ?
Le contexte politique ne vient pas arranger les choses. L’image publique d’Elon Musk, désormais plus politisée et clivante, aurait poussé certains fans indiens à prendre de la distance. “On ne voit plus en Elon le pionnier d’autrefois”, glisse un investisseur spécialisé dans la mobilité électrique. Entre incertitudes stratégiques et évolution de l’aura du patron-star, comment Tesla peut-elle séduire une clientèle aussi exigeante qu’hésitante ?
Et le prix alors ? Proposée à près de 68 000 dollars (importée de Chine et frappée par des taxes), la Model Y vise un segment ultra-premium représentant à peine 1 % du marché indien. Dans ce carré VIP, les électriques – dont BMW, Audi ou Mercedes – multiplient les offres. Tesla n’apporte donc plus la “révolution” dont rêvaient les pionniers de 2016. La marque peut-elle se contenter de ce micro-marché tout en espérant bouleverser la mobilité du pays ?
Face à cette arrivée tardive, ce lancement “froid” et un positionnement élitiste, la grande question reste en suspens : Tesla a-t-il déjà raté sa chance de conquérir l’Inde, ou peut-elle encore inverser la tendance ?
Source : Techcrunch
