Y a-t-il encore une frontière que la tech n’ose pas franchir ? Entre l’intelligence artificielle qui choisit votre prix de billet d’avion, les milliardaires qui veulent fusionner avec votre cortex grâce à des implants Sam Altman vs Musk, et les réseaux sociaux qui se tirent la bourre pour devenir la place du village numérique préféré de l’humanité, l’époque sent la disruptivité à plein nez. Pourtant, derrière l’image clinquante du progrès, ce sont toujours les mêmes luttes de pouvoir et d’influence qui se rejouent, crédit illimité sur fond d’algorithmes : qui aura la main sur notre attention… et bientôt sur nos souvenirs ?
Regardez Stanford : ce temple du “mérite” à l’américaine où le vrai passeport pour les porte-monnaie connectés reste le bon vieux nom de famille, pas l’algèbre ou la chance. La Silicon Valley légitime le népotisme version API, pendant que l’Europe bredouille son Digital Markets Act pour freiner Google, roi des comparateurs IA. On promet de l’égalité, on livre du ranking algorithmique : que ce soit sur l’App Store d’Apple ou dans les amphithéâtres sous palmiers, la tech, c’est l’élitisme gourmand à tous les étages, pourvu que la sauce soit bien binaire.
Même chez OpenAI, l’agilité se prend les pieds dans son propre menu : GPT-5 devait faire de chaque requête un modèle sur-mesure, mais c’est toujours le même cirque du “model picker” et la nostalgie des bots d’antan qui enchantent la communauté. L’humanité veut l’IA parfaite, mais elle pleure déjà ses premières lignes de code disparues (voir GPT-5, le cauchemar du routeur IA). L’innovation, c’est la promesse de la simplicité dans la complexité la plus touffue, à condition d’avoir le badge Premium pour tenter d’y voir clair.
Parce qu’à force de courir après l’hégémonie technologique, on réinvente surtout les vieilles hiérarchies sous des néons nouveaux.
Pendant ce temps, Threads continue son marathon contre X, affichant des scores flatteurs mais peinant à percer vraiment sur le web (Threads défiera-t-il X ?). Le cirque médiatique tourne en boucle : Apple et Musk se chamaillent pour la place de premier de la classe en IA, le débat sur la vraie “neutralité” algorithmique se fait à coups de communiqués lisses, tandis que les plateformes n’en finissent plus de distribuer récompenses et exclusions, comme au bal masqué du classement.
À bien y regarder, la techno-société ressemble de plus en plus à son logiciel : patchs précipités, routes alternatives jamais vraiment auto, privilèges dynastiques recodés façon API et interfaces cérébrales promises à qui crie le plus fort. Qui croit encore à la neutralité de la machine ? Sous l’illusion d’un progrès “pour tous”, c’est bien le vieux club des insiders qui refait surface – à Stanford, sur l’App Store, dans les labs d’OpenAI et jusque dans le ciel qu’on réserve sur Google Flights. Bientôt, il ne s’agira plus de savoir qui clique le premier, mais qui fusionne le mieux l’esprit, le réseau… et le capital.




