Que se passe-t-il vraiment derrière les portes de General Fusion, cette start-up canadienne qui rêve de dompter l’énergie de fusion mais vacille sous le poids de ses propres ambitions et de finances fragiles? Après avoir évité de justesse l’asphyxie grâce à une levée de fonds in extremis de 22 millions de dollars, le doute subsiste : la société peut-elle tenir sa promesse de révolutionner notre accès à l’énergie, ou se dirige-t-elle vers l’un de ces crashs spectaculaires qui ponctuent trop souvent la scène deeptech ?
Rappelons que l’entreprise s’est retrouvée en mai contrainte de licencier un quart de son effectif, et le PDG Greg Twinney a lancé un appel à l’aide en formulant une lettre ouverte. Dans les coulisses, la tension était palpable. Si ce nouveau financement, arraché de justesse auprès de certains investisseurs historiques (dont Chrysalix Venture Capital et Segra Capital Management), donne un court répit à General Fusion, pourquoi la société n’a-t-elle pas réussi à rassembler les 125 millions initialement visés ? Faut-il voir dans cet accord « pay to play » une simple stratégie de survie ou le signe que la confiance des bailleurs de fonds s’effrite ?
Avec plus de 440 millions de dollars déjà engloutis depuis sa fondation en 2002, General Fusion a-t-elle encore le capital humain et technologique nécessaire pour franchir le fameux « seuil de rentabilité scientifique » tant attendu dans le monde de la fusion ? Dix mois seulement après avoir mis en marche son réacteur expérimental LM26, l’entreprise mise désormais tout sur ce prototype à demi-échelle pour atteindre des étapes scientifiques décisives. Est-ce un pari réaliste au vu des contraintes financières toujours plus resserrées ?
General Fusion joue sa survie dans une course contre la montre, entre promesses scientifiques et urgence financière.
La méthode que General Fusion tente d’industrialiser, la “magnetized target fusion”, mélange ingénierie steampunk et concepts de physique extrême : du plasma d’isotopes d’hydrogène propulsé dans un champ magnétique, comprimé brusquement par un mur liquide de lithium par des pistons alimentés à la vapeur. Cette recette est-elle l’ultime raccourci vers la fusion contrôlée ou une impasse technologique de plus ? Peu d’experts osent encore prédire si ce choix controversé fera la différence mais, avec seulement quelques mois devant elle, l’entreprise mise tout sur la capacité de LM26 à chauffer son plasma à 10 millions, puis 100 millions de degrés Celsius – étapes préalables à ce fameux graal énergétique.
L’équation n’est pourtant pas qu’une question de science : avec si peu de fonds levés, General Fusion devra réussir à prouver, à très court terme, les performances de son prototype si elle veut éviter de retourner frapper aux mêmes portes, la main tendue, faute d’avancées palpables. Son salut dépend désormais de la vitesse à laquelle l’équipe pourra décrocher des résultats concrets, suffisamment convaincants pour calmer l’inquiétude des investisseurs et relancer la dynamique de financement.
Dans le business de la fusion nucléaire, où promesses spectaculaires et désillusions techniques se succèdent depuis des décennies, la recherche du “breakeven” – produire autant d’énergie que celle dépensée pour démarrer la réaction – fonctionne comme un test de crédibilité. Et même en supposant que LM26 atteigne cet objectif en 2026 comme annoncé, rien ne garantit que la transition vers un modèle commercial viable suivra. Combien de start-ups, portées par le rêve d’une énergie illimitée, ont-elles déjà trébuché sur cette dernière marche ?
Reste à savoir si ce nouvel élan financier et scientifique suffira à sortir General Fusion de l’ornière ou si l’entreprise n’a fait que repousser un peu plus loin l’échéance d’une restructuration, voire d’un crash irréversible. Alors, la fusion à la sauce canadienne sera-t-elle bientôt réalité, ou General Fusion est-elle, comme tant d’autres, simplement en train de courir après une utopie inaccessible ?
Source : Techcrunch




