Pourquoi le turnover est-il si élevé chez les cadres des entreprises d’Elon Musk ? Cette question prend une nouvelle acuité suite au départ inattendu de Robert Keele, jusqu’alors responsable juridique de xAI, après à peine un an dans la startup d’intelligence artificielle du milliardaire. Derrière un motif officiel touchant — consacrer plus de temps à ses enfants — ne faut-il pas voir la traduction d’un environnement de travail toujours plus intense ? Ou Keele paie-t-il finalement le prix d’une incompatibilité de vision avec Elon Musk, qu’il évoque dans la foulée de son annonce ?
Dans son message publié sur X (anciennement Twitter) et LinkedIn, Robert Keele tente de ménager la chèvre et le chou : il salue une expérience « incroyable » à xAI, décrit sa collaboration avec Musk comme « l’aventure d’une vie », tout en confessant n’avoir pu continuer à « monter deux chevaux à la fois — la famille et le travail ». Faut-il y voir une réelle volonté de préserver son équilibre vie privée-vie professionnelle, ou bien s’agit-il d’un euphémisme masquant la pression propre aux sociétés de Musk ?
La réaction générale sur les réseaux sociaux, tant parmi ses collègues de xAI que chez des parents admiratifs, semble saluer le courage de Keele. Mais faut-il se satisfaire d’une réponse aussi consensuelle ? Rappelons qu’à son arrivée en 2024, le juriste mettait fin à sa propre et très éphémère aventure entrepreneuriale pour ne pas manquer la chance de façonner l’architecture juridique d’une des startups IA les plus convoitées, tout juste avant l’annonce d’une levée de fonds de 6 milliards de dollars et une valorisation à plus de 24 milliards.
Le départ de Keele révèle autant les aspérités de la culture Musk que la difficulté croissante de concilier ambitions professionnelles et exigences personnelles dans les startups tech.
A-t-on sous-estimé la capacité de résilience des cadres dans l’écosystème Musk ? Keele n’est pas un novice : il officiait auparavant chez Elroy Air ou Airbus, collectionnant les postes à responsabilités. Pourtant, il s’efface alors même que xAI s’apprête à redéfinir son avenir sous l’égide de Lily Lim, sa remplaçante au CV étonnant mêlant ingénierie spatiale chez la NASA et spécialisation juridique en propriété intellectuelle et vie privée. Ce recrutement atypique témoigne-t-il d’une volonté de changement ou traduit-il la difficulté d’attirer des profils plus traditionnels ?
Toutefois, ce départ ne fait-il pas écho à un phénomène plus large ? Après la récente démission tonitruante de Linda Yaccarino, ex-PDG de X, et une série d’exils chez Tesla, la question de la longévité des cadres supérieurs dans la galaxie Musk s’impose. Jusqu’à quel point faut-il être prêt à sacrifier sa vie personnelle — au risque de passer pour un employé « tiède » — pour répondre aux injonctions d’extrême dévouement de Musk, connu pour exiger que ses équipes dorment littéralement sur leur lieu de travail pendant les périodes de rush ?
Cette tendance s’étend au-delà de l’empire Musk. D’autres startups, séduites par la promesse d’une croissance rapide, adoptent ce culte de la performance sans répit. Cognition, une jeune entreprise spécialisée dans l’IA, pousse même cette logique à son paroxysme : le PDG a déclaré par email ne pas croire au concept d’équilibre vie privée-vie professionnelle. Sommes-nous face à un modèle qui menace de devenir la norme dans la Silicon Valley ?
À l’heure où l’intelligence artificielle, portée par des montants colossaux et une compétition féroce, ébranle tous les équilibres, la question de la santé et la stabilité des équipes dirigeantes devient centrale. Les nouveaux venus seront-ils prêts à payer le prix fort ? Ou cette culture du burnout n’a-t-elle plus sa place dans le nouveau visage de la tech ?
Source : Techcrunch




