Le futur de la mobilité est-il aussi radieux qu’on veut bien nous le faire croire ? Alors que les États-Unis surfent sur une vague de transformations dans le secteur des véhicules électriques (VE) et de l’innovation automobile, faut-il voir uniquement des opportunités… ou se méfier d’écueils cachés ? Le dernier tour d’horizon de la tech mobile brosse un portrait en demi-teinte, empli d’incertitudes, de promesses mais aussi de signaux d’alerte.
L’enthousiasme des clients américains pour les véhicules électriques survivra-t-il à la fin du crédit d’impôt fédéral ? Selon un sondage proposé dans la newsletter TechCrunch Mobility, 60% des répondants anticipent une chute brutale des ventes dès que l’aide de 7 500 dollars disparaîtra. Ce pessimisme est-il justifié ou les constructeurs sauront-ils absorber le choc, par exemple en répercutant la subvention sur les prix, au moins temporairement ? Et pour ces mêmes constructeurs, la multiplication des modèles innovants face à des hausses de tarifs douaniers ne risque-t-elle pas de réduire leurs marges à néant ?
À ce cocktail d’incertitude s’ajoute une question de plus en plus concrète : comment simplifier l’expérience de recharge pour l’utilisateur final, alors que la transition vers le standard Tesla (NACS) s’accompagne d’un foisonnement d’adaptateurs – ou « dongles » – qui transforment le coffre de certains propriétaires en fourre-tout technologique ? L’exemple de GM qui, après un premier adaptateur vendu pour accéder aux Superchargeurs Tesla, en propose désormais trois autres pour différentes normes ou vitesses de charge, témoigne d’une industrie qui cherche la flexibilité mais semble y perdre en simplicité. Utilisateurs, jusqu’où accepterez-vous cette jungle d’accessoires sans broncher ?
La route vers la mobilité de demain paraît pavée d’innovations… mais n’est-elle pas aussi jonchée de compromis et d’obstacles inattendus ?
Ce paysage en mouvement ne concerne pas que les fabricants de voitures. Lucid Motors, par exemple, navigue en eaux troubles depuis la démission soudaine de son fondateur Peter Rawlinson. La recherche de son successeur s’éternise, soulevant la question : une gouvernance stable verra-t-elle le jour alors que l’entreprise s’apprête à lancer un SUV très attendu ? Du côté de Tesla, la décision d’Elon Musk de dissoudre l’équipe en charge du superordinateur Dojo a laissé planer des doutes sur l’avenir de l’usine de Buffalo, censée abriter cette initiative phare. Or, selon des révélations internes, Tesla engagerait bien 500 millions de dollars dans ce centre – une façon de réaffirmer son engagement tout en préparant potentiellement une reconversion vers un autre cluster, Cortex.
L’innovation, c’est aussi du côté des start-up qu’elle bourgeonne. Blue Water Autonomy vient de lever 50 millions de dollars pour développer des navires autonomes pour l’US Navy ; Joby Aviation finalise l’acquisition de Blade dans le transport aérien urbain ; et Vox AI mise sur l’intelligence artificielle conversationnelle pour révolutionner les drive-throughs de fast-foods. Mais la multiplication de ces projets n’ouvre-t-elle pas également la porte à de nouveaux risques et défis techniques, notamment autour de la sécurité des données ? Des chercheurs ont récemment signalé que des serveurs non sécurisés d’utilisateurs de Tesla divulguaient des informations sensibles sur leurs trajets et habitudes – symptôme d’un écosystème technologique où la protection de la vie privée s’effrite parfois face à l’innovation.
Même les outils d’autonomisation rencontrent leurs propres limites : The Boring Company commence tout juste à tester le Full Self-Driving (supervisé) de Tesla dans les tunnels de Las Vegas, alors qu’Aurora intègre ses camions autonomes aux systèmes de gestion du transport de McLeod Software. Mais ces avancées technologiques peuvent-elles véritablement s’imposer à grande échelle, alors que des jugements à 242 millions contre Tesla ou la faillite de start-up comme Fisker rappellent la fragilité du secteur ?
Sur le plan social, l’actualité californienne montre également que la technologie doit composer avec les réalités du travail : Lyft et Uber viennent enfin de céder à une voie vers la syndicalisation de leurs chauffeurs, au terme d’un long bras de fer. Tandis que Hyundai s’engage sur une voie plus verte avec de nouveaux matériaux biosourcés pour ses intérieurs, Waymo continue lui sa conquête du territoire américain avec plus de 2 000 robotaxis déployés à travers cinq grandes métropoles.
Au final, derrière le récit flamboyant du progrès, c’est un secteur en pleine mutation que l’on découvre, où chaque avancée soulève autant d’interrogations que d’espoirs. Entre la multiplication des adaptateurs, la protection incertaine des données, les chocs de gouvernance et les exigences sociales croissantes, la mobilité de demain sera-t-elle à la hauteur de ses promesses ou s’empêtrera-t-elle dans ses contradictions technologiques et humaines ?
Source : Techcrunch




