L’humanité contemple le cosmos, la Silicon Valley, et ses propres besoins numériques avec la même ferveur naïve et le même appétit de conquête. Du FRB 20250316A capté par CHIME à la ruée des investisseurs vers l’espace (en oubliant la gravité, mais jamais le rendement), la technologie contemporaine semble se résumer à une seule devise : capter ce qui brille, monétiser ce qui clignote et, à défaut d’y comprendre quelque chose, raconter une belle histoire de disruption cosmique. Pourtant, derrière l’étincelle, qu’importe qu’elle vienne d’une galaxie lointaine, de la Lune ou d’une start-up californienne, il y a toujours ce même vertige : la frontière ténue entre l’émerveillement scientifique et la prédation économique.
Prenez les nouveaux VCs de la Space Economy, ces prestidigitateurs du capital-risque qui investissent dans l’espace comme d’autres jouaient, hier, au Monopoly avec la blockchain. Ils boudent les fusées (trop salissantes pour leurs sneakers), préfèrent l’hélium-3 lunaire et l’IA orbitale – déclinant le rêve spatial en « business as usual ». Faut-il rire de leur candeur ou s’en inquiéter, quand investir dans une start-up d’astromining ou miser sur la prochaine plateforme de géodonnées IA est devenu aussi naturel que de liker une photo de la Pleine Lune sur Instagram ? Sous le vernis des pitchs, la Lune elle-même, ce soir, fait grise mine : ni visible, ni rentable, mais déjà convertie en terrain d’expérimentation capitalistique et criblée de rêves IPO.
Le Startup Battlefield de TechCrunch se veut l’épicentre de ce théâtre de l’innovation où des centaines de jeunes entreprises rivalisent de storytelling et d’originalité pour séduire un jury de sponsors, d’anciens lauréats transformés en stars—et surtout de VC à la recherche de leur prochain FRB entrepreneurial. Gagnant au loto galactique ou perdant oublié du vestiaire, chaque start-up rêve du « one shot » qui les propulsera au firmament médiatique. Tout cela sous la protection bienveillante de Google Cloud, qui, lui, avance déjà l’algorithme chargé de repérer en temps réel les tendances et les coups à jouer. Au fond, on décèle moins une volonté de faire émerger des révolutions technologiques qu’un gigantesque jeu de chaises musicales, où le vrai prix n’est pas la disruption mais la prime à la visibilité.
La technologie moderne n’est qu’un miroir déformant, où le sens de l’innovation finit par se dissoudre dans le brouillard des vieux réflexes de domination et d’opportunisme.
Et dans ce jeu de miroirs, Google déploie tranquillement son « AI Mode » sur la planète entière, promettant à la fois la personnalisation totale et l’exclusivité à 249,99 dollars par mois. À défaut de décrocher la Lune, on boucle l’utilisateur dans une bulle algorithmique, plus brillante et fermée qu’un sky-lounge de NFT, pendant que les industriels de la mobilité connectée, du transport autonome à la voiture électrique, oscillent entre jungle réglementaire, impasse sociale et surveillance permanente. Derrière chaque FRB ou chaque pitch disruptif, le même enjeu : qui contrôle, qui capte, qui enferme, qui rentabilise, qui se cogne dans le noir ?
À trop vouloir localiser le prodige, traquer l’information explosive, produire le summary absolu et la recommandation parfaite, notre époque court le risque de n’être qu’un alignement passager—une phase de Nouvelle Lune numérique où le sens véritable n’est qu’un reflet intermittent, hésitant entre l’émergence, la saisie et la disparition pure et simple. Les grandes réunions internationales, les fundraisings stratosphériques et les coups d’éclat IA s’enchaînent à la vitesse d’un FRB, mais la question persiste : sera-t-on plus qu’un bruit de fond dans l’Histoire ou est-on déjà condamné à joliment briller… pour mieux s’effacer dans la répétition algorithmique de nos propres fantasmes ?




