La domination de Google sur la recherche en ligne est-elle sur le point de vivre une nouvelle révolution, à l’heure où l’intelligence artificielle prend une place grandissante dans nos habitudes numériques ? Depuis plus de six mois, seuls les anglophones pouvaient profiter d’AI Mode, cette expérience de recherche boostée par l’IA de Mountain View. Mais l’annonce de l’extension à cinq nouvelles langues change soudainement la donne : pourquoi maintenant et à quelle échelle Google compte-t-il remodeler notre accès à l’information ?
L’expansion annoncée ce lundi laisse entrevoir des ambitions planétaires. Avec l’ouverture d’AI Mode au hindi, à l’indonésien, au japonais, au coréen et au portugais brésilien, Google signe-t-il le début d’une mondialisation inédite de la recherche intelligente ? Les innombrables internautes de ces régions s’empareront-ils de cette fonctionnalité avec la même frénésie que les early adopters américains, britanniques ou indiens, déjà servis quelques mois plus tôt ? Ou bien allons-nous assister à une compétition accrue entre les principaux acteurs de la recherche, alors que Perplexity et OpenAI fourbissent eux aussi leurs armes ?
Un point intrigue : AI Mode n’est pas un simple gadget, mais bien le fer de lance de la riposte de Google face aux moteurs de recherche nouvelle génération. Alimenté par une version sur-mesure de Gemini 2.5, capable de traiter texte, image et raisonnement complexe, cette surcouche s’impose doucement mais sûrement à la page de résultats, à travers un onglet dédié ou un bouton stratégique. Ce n’est qu’un début : d’après Logan Kilpatrick, responsable produit chez Google DeepMind, AI Mode pourrait même s’imposer par défaut « prochainement ». Y a-t-il derrière cette offensive la volonté de couper l’herbe sous le pied aux concurrents, ou s’agit-il vraiment d’une évolution au service des utilisateurs ?
À mesure que Google généralise AI Mode, la frontière entre information humaine et automatisée ne risque-t-elle pas de devenir invisible ?
Dans cette stratégie, les ambitions « agentiques » de Google font aussi débat. Pouvoir réserver une table ou acheter des billets d’événement via son moteur, est-ce le futur rêvé ou la promesse d’un internet encore plus verrouillé ? Pour l’instant, ces options attendues sont réservées – à prix fort – aux abonnés Ultra d’AI Mode aux États-Unis. Mais cette logique premium, à 249,99 dollars par mois, ne creuse-t-elle pas l’écart entre les usages populaires et les usages VIP de l’intelligence artificielle ?
Reste la question fondamentale de l’écosystème du web. Certains éditeurs et propriétaires de sites redoutent déjà l’effet délétère d’une IA insérée en amont des résultats : si l’utilisateur trouve la réponse sans cliquer, ne risque-t-on pas d’assécher le trafic et, avec lui, l’économie des créateurs de contenu ? Google dément catégoriquement, mais la polémique enfle. Est-ce une crainte légitime ou une simple résistance au changement ?
Quoi qu’il en soit, cette course à la recherche augmentée semble loin d’être terminée. Au fur et à mesure des annonces et expérimentations, Google prend des risques, bouscule les équilibres et s’invite encore davantage dans nos routines quotidiennes. Faut-il y voir la marque d’un progrès démocratique ou le symptôme d’une concentration extrême des leviers de connaissance mondiale ? L’équation reste ouverte.
À l’heure où une part croissante de la planète va pouvoir dialoguer avec l’IA de Google dans sa propre langue, reste une question : sommes-nous véritablement prêts à laisser une intelligence automatisée filtrer, commenter, et peut-être orienter la connaissance universelle à laquelle nous accédons chaque jour ?
Source : Techcrunch




