Qui se cache derrière l’argent des plateformes de streaming, et jusqu’où notre cinéma s’en trouve-t-il compromis ? Aujourd’hui, toute une controverse agite le monde du 7ème art après la première du nouveau film de Jim Jarmusch, “Father Mother Sister Brother”, à la Mostra de Venise. Des questions tourmentent la Croisette : la plateforme Mubi, fière co-productrice du film, est-elle encore indépendante ou désormais prise dans les filets d’intérêts financiers opaques?
Interpellé en conférence de presse, Jarmusch lui-même n’a pas mâché ses mots. Son malaise est palpable : “J’ai été déçu et déconcerté par cette relation”, confie-t-il, alors même qu’il loue la collaboration artistique avec Mubi. Mais pourquoi ce malaise? Le financement récent de la plateforme par Sequoia Capital, à hauteur de 100 millions de dollars, a de quoi soulever des sourcils… et des interrogations.
Pourquoi cet investissement fait-il tant polémique ? Plusieurs cinéastes, parfois très proches de Mubi, ont signé une lettre ouverte au vitriol. Ils accusent Sequoia d’assurer le financement d’une start-up israélienne de défense, Kela, rendant l’essor financier de Mubi “explicitement lié au génocide à Gaza”. Est-ce aller trop loin, ou la vigilance des créateurs doit-elle primer sur les logiques de rentabilité?
Jusqu’où l’argent peut-il influencer la liberté et l’éthique du cinéma indépendant?
Face à la fronde, le fondateur de Mubi, Efe Cakarel, se dédouane en martelant que “toute suggestion selon laquelle notre travail finance la guerre est tout simplement fausse.” Mais cela suffit-il à apaiser la colère et l’inquiétude de la communauté artistique? Devient-on complice malgré soi lorsqu’on accepte des fonds liés, de près ou de loin, à des conflits géopolitiques globaux?
Jim Jarmusch, quant à lui, se défend d’être le porte-parole de Mubi. “Je prends de l’argent là où je peux pour financer mes films”, avoue-t-il sans détour, résigné par la réalité du secteur. Un constat amer ponctué d’une phrase choc : “Tout argent venant d’une entreprise est sale.” Qu’en est-il alors de la frontière, si fine, entre indépendance et compromission?
En définitive, cette polémique met en lumière une question fondamentale : quelles valeurs voulons-nous défendre au sein de l’industrie audiovisuelle, et quels compromis sommes-nous prêts à accepter au nom de l’art ?
Le financement du cinéma indépendant peut-il encore rimer avec éthique et transparence, ou sommes-nous condamnés à composer avec des alliances ambiguës?
Source : Techcrunch




