Bienvenue dans la Silicon Vanity, où le mascara numérique de Google Meet coule moins vite que la carrière d’un jeune codeur sans visa H-1B. Tandis que Google nous promet un teint parfait pour nos réunions matinales (sans même se lever du lit), de l’autre côté de l’écran, l’intelligence artificielle cherche non plus à cacher nos cernes, mais à optimiser notre contenu calorique et nos biceps, tout cela sans risquer le carrelage de la cuisine. Il y a de quoi méditer sur le message implicite : dans la société de demain, ce n’est plus vous qui vous exprimez, c’est votre double digital brillant et bien nourri.
La beauté algorithmique rehausse notre confiance, le fit-tracker nutritionnel comme Ladder nous allèche, et voilà que le rêve transhumaniste flirte avec la dystopie logistique. Pendant que la technologie s’affaire à nous polir la joue droite et à sculpter le bourrelet gauche, les États-Unis décident, eux, de poser une couronne (de taxes) sur la tête de tous ceux qui rêvent d’enrichir leur centre nerveux technologique. Avec la taxe H-1B, la Silicon Valley redécouvre que l’innovation n’est pas seulement une affaire de cloud et de gloss, mais d’ouverture sur le monde.
Ce ballet millimétré du maquillage en un clic et du suivi nutritionnel instantané n’est pourtant que la surface d’une métamorphose plus profonde : obsédés par l’image, la mesure, et l’optimisation, nous devenons nos propres gestionnaires de marque, sous surveillance d’IA. Mais le grand paradoxe de cette ère du virtuel aseptisé, c’est qu’elle exige plus que jamais des cerveaux aussi brillants que nos cupides applications Instagram. Or, c’est exactement à ce moment critique que l’Amérique décide de dresser un mur fiscal face à la pluie de doctorats mondiaux qui voudraient bien, eux aussi, bénéficier de l’expérience du blush virtuel et d’une salade dont la traçabilité fait pâlir une blockchain.
D’un côté, l’IA nous promet des jours plus doux et plus harmonieux ; de l’autre, la politique resserre l’étau sur les têtes pensantes qui alimentent ce rêve.
L’illusion de la perfection automatisée ne tient pourtant que si, derrière l’écran, il reste encore de l’humain — ce même humain que l’on taxe, expulse ou décourage, au nom d’un protectionnisme qui confine au ridicule. Le soft-power n’est plus seulement un hashtag : il se joue aussi à coups de filtres AR, d’algorithmes jaloux de nos glucides et de frontières oubliant que l’excellence mondiale ne connaît pas la douane. On veut la santé, l’apparence, la performance, mais on ferme la porte à ceux qui peuvent les réinventer.
Alors la technologie, ce miroir de nos aspirations et de nos vanités, continuera-t-elle à sublimer nos vies sur commande, ou finira-t-elle crashée, étouffée par la myopie politique ? Une chose est sûre : l’intelligence, qu’elle soit artificielle ou humaine, demande plus qu’un bon réseau… elle demande une vraie ouverture, de visage comme d’esprit.



