La ruée vers l’or de l’intelligence artificielle passe-t-elle désormais par TikTok et les réseaux sociaux ? Depuis quelques jours, un nom fait frémir la Silicon Valley : Sora, l’application vidéo d’OpenAI accessible uniquement sur invitation, n’a pas attendu d’être déployée mondialement pour s’imposer dans les classements de l’App Store. Mais que cache cette popularité fulgurante ? Est-il vraiment surprenant de voir une app expérimentale d’IA voler la vedette aux mastodontes comme ChatGPT ou Google Gemini ?
En une seule journée, Sora a été téléchargée 56 000 fois aux États-Unis et au Canada, selon les chiffres d’Appfigures – un chiffre corrigé à la hausse, à 110 000 téléchargements, un mois plus tard. Mais cette explosion de demandes, alors que l’accès reste restreint, n’interroge-t-elle pas sur les réelles attentes du public ? Quelle part de viralité et d’effet “club fermé” joue ici ? Et surtout, que dit ce succès sur notre fascination pour les outils d’IA qui flirtent avec l’univers du divertissement ?
Sora ne se contente pas d’un simple démarrage : très vite, l’application coiffe au poteau Gemini et même ChatGPT, pourtant produits phares de l’intelligence artificielle. Voilà l’appli propulsée numéro 3, puis numéro 1 sur l’App Store américain, là où d’autres algorithmes prometteurs – Claude d’Anthropic ou Copilot de Microsoft – peinent à capter l’attention. Pourquoi une app vidéo, dont le principal attrait repose sur le deepfake ou le remix de contenus populaires, écrase-t-elle des outils censés transformer notre vie professionnelle et nos usages quotidiens ?
Au-delà des chiffres, la vraie question demeure : l’avenir de l’intelligence artificielle s’invente-t-il sur scène, ou dans le miroir numérique de nos réseaux sociaux ?
La comparaison n’est pourtant pas simple. À chaque nouveau lancement, les stratégies diffèrent : ChatGPT lui-même avait limité son accès initial aux seuls Américains sur iOS, tandis que Grok – le prototype d’Elon Musk – s’est contenté d’une poignée de pays. Mais en restreignant l’analyse aux mêmes zones géographiques, le constat est sans appel : Sora rivalise avec les meilleures entrées du marché, et balaye Claude et Copilot sans difficulté (respectivement à 21 000 et 7 000 téléchargements le premier jour). Faut-il y voir le signe d’un engouement plus fort pour la vidéo générée par IA que pour le texte, la réflexion ou la productivité ?
Ce triomphe rapide ne fait pourtant pas que des heureux à OpenAI. Certains ingénieurs de l’entreprise s’inquiètent, en filigrane, de cette bascule vers le divertissement et le viral au détriment de la recherche fondamentale. La priorité n’était-elle pas de “résoudre des problèmes plus durs” et de “bénéficier à l’humanité” selon la mission officielle ? Le grand public, lui, semble bien plus amusé par les (fausses) vidéos du PDG de la société, Sam Altman, en train de lancer des répliques absurdes, que par la conquête de la vérité algorithmique.
Alors, Sora n’est-elle que la dernière bulle d’un marché chatouilleux, ou fait-elle émerger une nouvelle ère dans notre rapport à l’IA ? L’apparente légèreté de l’application masque-t-elle une mutation profonde de nos attentes vis-à-vis des technologies ? Les prochains mois pourraient bien répondre à cette énigme. Mais la question demeure : et si la véritable révolution de l’IA se jouait dorénavant sur notre fil d’actualité, et non dans les laboratoires ?
Source : Techcrunch




