Bienvenue dans l’ère où la technologie promet la simplicité, la sécurité et la productivité… pour peu qu’on accepte de troquer notre scepticisme pour une bonne dose de crédulité. En 2025, chaque startup qui lève trois millions proclame avoir sorti LA solution miracle contre la pagaille du quotidien — qu’il s’agisse de sécuriser nos données face au “théâtre” de la conformité cyber, d’en finir avec la chasse au burger livré sur le paillasson du voisin (Doorstep, c’est toi qu’on regarde), ou encore de faire papoter nos bagues avec ChatGPT dans la rue comme si de rien n’était. Un spectacle grandiose où tout, finalement, n’est peut-être qu’une vaste mise en scène.
Il n’est d’ailleurs pas anodin de voir BlaBlaCar bâtir son empire indien sur le bouche-à-oreille et la technologie minimaliste, pendant que la cybersécurité s’essouffle à gesticuler ses certifications pour rassurer des clients toujours plus méfiants. Le succès sans présence locale de l’un rappelle cruellement la vacuité des démarches de conformité de l’autre : dans les deux cas, la confiance est un théâtre fragile, au décor tout juste repassé par une IA. On promet la protection ou la fluidité par la technologie, mais la scène, elle, continue de craquer sous les pas trop lourds de la croissance, du capital-risque et des bugs.
Sur la scène de la prod, Notion ajoute son propre agent spécial : pilotage automatique de la paperasse et, déjà, la peur de devenir le prochain “bureau oublié” où plus personne n’ose ranger les tiroirs. L’IA s’infiltre partout, dictant ici des notes à une bague (merci Sandbar), là organisant vos tâches et e-mails via des navigateurs intelligents qui veulent dévorer Chrome et Safari pour faire de l’intimité numérique leur chasse gardée. Cette automatisation tentaculaire flatte notre paresse, mais cache-t-elle le retour du boomerang : un simple clic pour céder nos données au prochain agent de la Silicon Valley déguisé en sauveur ?
Lorsque tout devient “automatisable”, la seule étape qui demande encore un effort, c’est d’en mesurer le prix.
La tech contemporaine relie toutes les facettes de nos existences — du covoiturage à la livraison, de la navigation web à la gestion de la vie privée — par un même fil rouge : la confiance, aussi fragile que la connexion Wi-Fi d’un TGV en rase campagne. Derrière les promesses de protection, de productivité ou de communauté, la frontière entre progrès réel et simple illusion s’amenuise. Les plateformes se copient, les outils s’interconnectent, l’IA s’invite dans chaque interstice… mais qui pilote vraiment le vaisseau ? L’utilisateur, solennel Pandora déposé au cœur de booths colorés, n’a même plus le loisir de décider de ses propres standards : tout est déjà prêt à consommer, à tester, à monétiser.
Demain, l’innovation technologique ne tiendra peut-être plus qu’à un geste du doigt, un micro activé par réflexe ou un script auto-lancé dans un obscur dashboard. Pourtant, plus nos outils promettent de dorloter nos routines, plus ils nous rappellent cette vérité triviale : notre dépendance, elle, reste bien humaine. Alors, espérons que les bagues ne sonneront pas le glas de notre esprit critique, et que la prochaine “killer app” sera davantage qu’un clin d’œil bien programmé à notre paresse collective.




