Est-il encore pertinent, en 2024, de mesurer l’adéquation produit-marché (“product-market fit”) des startups de l’IA selon les recettes qui ont forgé la Silicon Valley ? Alors que les investisseurs et fondateurs cherchent à comprendre le succès des nouveaux outils, la réalité de l’IA semble bouleverser toutes les certitudes. Si les startups technologiques ont longtemps rêvé de ce moment magique où leur idée épouse enfin un vrai besoin, comment repérer ce signal tant espéré lorsque le terrain technologique ne cesse de bouger ?
L’IA accélère-t-elle la nécessité de se réinventer ? D’après Ann Bordetsky, associée chez New Enterprise Associates, le jeu a totalement changé : “Tout ce qu’on a appris auparavant ne s’applique plus vraiment.” Est-ce parce que la technologie évolue trop vite pour permettre d’installer les traditionnels marqueurs de succès ? Ou parce qu’au lieu d’être statique, chaque évolution de l’IA rebascule les usages et oblige les fondateurs à remettre en cause jusqu’à leurs certitudes sur leur propre marché ?
Dès lors, comment évaluer si une startup IA tient le bon bout ? Pour Murali Joshi, partenaire chez Iconiq, suivre la “durabilité des dépenses” devient essentiel. Les clients dépensent-ils vraiment pour une intégration profonde de l’IA, ou simplement pour tester les eaux ? « Il faut voir si le budget passe de l’expérimentation à une véritable ligne au cœur des directions », résume-t-il. Que penser alors du passage des gadgets à l’indispensable ? N’est-ce pas là l’équation à résoudre pour sortir de l’expérimentation de masse ?
« L’adéquation produit-marché en IA n’est jamais acquise, mais un processus vivant qu’il faut sans cesse renforcer. »
Et que deviennent les célèbres métriques d’usage – utilisateurs actifs quotidiens, hebdomadaires, mensuels – à l’heure de ces bouleversements ? “À quelle fréquence vos clients reviennent-ils utiliser (et payer pour) votre outil ?” questionne Joshi. La simple consultation des chiffres suffit-elle ? Ann Bordetsky met en garde : seuls des entretiens qualitatifs peuvent révéler l’attachement réel aux produits, au-delà des apparences chiffrées. Sommes-nous capables d’écouter ce que les données cachent ?
D’ailleurs, faut-il aussi interroger la place de l’outil dans la hiérarchie technologique des entreprises ? Joshi suggère de poser la question “où ce produit s’insère-t-il vraiment ?”, car seuls ceux qui deviennent incontournables au sein des processus-clés semblent promis à durer. Une IA peut-elle s’imposer sans s’ancrer durablement dans la chaîne de décision ?
Enfin, Ann Bordetsky rappelle que ce fameux “fit” n’est pas un trophée à gagner une fois pour toutes, mais un chemin évolutif : “On commence avec un peu de fit, puis on doit constamment l’approfondir.” Alors, comment modeler sa trajectoire quand tout change aussi vite ? Quel est le vrai signe qu’une startup IA ne fait pas que surfer sur la vague, mais construit bel et bien son futur ?
Dans ce monde où les repères changent sans cesse, la question demeure : l’IA nous force-t-elle à repenser la notion même de succès dans la tech, ou sommes-nous simplement à la recherche de nouveaux indicateurs fiables pour naviguer cette nouvelle ère ?
Source : Techcrunch




