Comment une entreprise jeune comme Mercor est-elle parvenue à s’imposer – en quelques années à peine – comme un acteur clé du monde de l’intelligence artificielle, jusqu’à se valoriser à plus de 10 milliards de dollars ? Jusqu’où peut aller l’ascension fulgurante de ce spécialiste des “experts en chair et en os pour former des IA” alors que tout l’écosystème semble dominé par les géants américains de la tech ?
Au début, rien ne prédestinait Mercor à bousculer la hiérarchie. Simple plateforme de recrutement dopée à l’IA, la start-up orchestrée par de très jeunes fondateurs a pourtant rapidement opéré un pivot stratégique audacieux. Elle s’est spécialisée dans le recrutement d’experts pointus – avocats, médecins, scientifiques – pour entraîner les modèles d’intelligence artificielle des laboratoires les plus renommés. Peut-on imaginer une IA autrement performante qu’en s’appuyant sur l’expertise humaine la plus poussée ? Est-ce le secret de Mercor ?
La récente levée de fonds de 350 millions de dollars, menée par Felicis Ventures, a-t-elle consacré le basculement du paradigme dans la formation des IA ? Les investisseurs historiques (Benchmark, General Catalyst) mais aussi de nouveaux acteurs comme Robinhood Ventures misent désormais sur cette nouvelle économie de “l’intelligence spécialisée”. Pourra-t-on encore longtemps entraîner une IA générative sans l’intervention massive d’experts humains sur certaines tâches cruciales ?
Mercor redéfinit ce que signifie entraîner l’intelligence artificielle à l’ère où la qualité des données et celle des humains sont indissociables.
Ce modèle semble confirmé par le contexte de recomposition actuel : OpenAI et Google DeepMind ont tourné le dos à l’entreprise de data-labeling Scale AI, fragilisée par la prise de participation massive de Meta, ouvrant le champ à Mercor. Quelle place pour l’éthique et la neutralité dans la labellisation des données quand les grandes manœuvres financières redessinent la cartographie des fournisseurs d’“intelligence externe” ?
Face à la croissance effrénée d’un secteur où le chiffre d’affaires récurent pourrait atteindre 500 millions de dollars par an (plus vite encore que le record d’Anysphere), Mercor pose un nouveau standard : plus de 30 000 experts rémunérés en moyenne 85 dollars de l’heure, 1,5 million de dollars déboursés chaque jour. Mais comment la start-up compte-t-elle entretenir cette dynamique et quels défis en matière de qualité, de scalabilité et de gestion des talents devra-t-elle relever pour garder sa longueur d’avance ?
Ses ambitions sont claires : élargir son réseau d’experts, améliorer le “matching” entre clients et consultants, automatiser davantage la gestion opérationnelle… Tout en promettant un futur “marché du recrutement” piloté par IA. S’agit-il d’un modèle exportable, ou d’une exception née des nouveaux enjeux de l’IA générative (comme le “reinforcement learning”), qui réclament des experts pour valider, contester, affiner la prise de décision de l’algorithme ?
Au fond, la question qui demeure est la suivante : la réussite de Mercor incarne-t-elle le début d’une ère où l’expertise humaine, loin d’être supplantée par la machine, deviendrait le carburant indispensable du progrès technologique – même au cœur de la révolution de l’intelligence artificielle ?
Source : Techcrunch




