Est-il encore possible aujourd’hui de faire confiance à TikTok pour la protection de nos données personnelles, alors que la plateforme vient d’être frappée d’une lourde amende pour ses pratiques en Europe ? Les révélations récentes de la Data Protection Commission (DPC) irlandaise ajoutent une pierre de plus à l’édifice de la méfiance entourant le géant chinois des réseaux sociaux.
En infligeant à ByteDance, maison-mère de TikTok, une amende record de 530 millions d’euros, la DPC a-t-elle voulu envoyer un signal fort aux entreprises étrangères opérant en Europe ? Cette sanction, la troisième plus importante jamais prononcée dans le cadre du RGPD, sanctionne le transfert illégal des données d’utilisateurs européens vers la Chine, sans garanties suffisantes contre l’accès des autorités chinoises. Mais comment TikTok a-t-il pu laisser passer de telles failles alors que la surveillance réglementaire s’intensifie depuis des années ?
D’après la DPC, TikTok n’a pas seulement transféré illégalement des données : elle l’aurait fait dans le flou le plus total, manquant cruellement de transparence vis-à-vis de ses utilisateurs. Malgré les affirmations de TikTok durant une enquête de quatre ans prétendant que les informations des Européens n’étaient pas stockées en Chine, la plateforme a fini par admettre que « des données EEE limitées » y avaient quand même transité. Pourquoi ce revirement soudain, et combien de temps la plateforme a-t-elle joué avec la vérité ?
La confiance dans la gestion des données personnelles est-elle définitivement rompue entre TikTok et les utilisateurs européens ?
La DPC, par la voix de son vice-commissaire Graham Doyle, ne cache pas son inquiétude et prend “très au sérieux” ces développements récents. Si TikTok assure désormais que les données concernées ont été effacées, les régulateurs n’écartent pas de nouvelles actions. Entre-temps, le géant du web dispose de six mois pour stopper tous les transferts illégaux, un délai qui semble bien court face à l’ampleur des enjeux. Quelle est la valeur du RGPD si des géants comme TikTok peuvent s’en détourner aussi longtemps ?
Face à ces accusations, TikTok campe sur ses positions et se dit prêt à faire appel. L’entreprise argue qu’aucune demande d’accès à des données d’utilisateurs européens n’a jamais été formulée par les autorités chinoises, et qu’aucune information n’a été fournie à l’État. Qui doit-on croire dans cette affaire ? Les promesses d’un géant mondial valent-elles face aux preuves accumulées par les régulateurs ?
Il est intéressant de noter que TikTok met désormais en avant son « Project Clover », une série de mesures censées rassurer les autorités et les utilisateurs européens en stockant localement les données et en renforçant les contrôles. Mais la DPC ne semble guère convaincue par ces efforts tardifs, arguant que les faits jugés concernent une période antérieure. Peut-on vraiment croire à un changement de paradigme alors que les scandales s’enchaînent ?
Loin d’être une première, cette nouvelle sanction s’inscrit dans une longue liste de griefs contre ByteDance. En 2023 déjà, l’entreprise avait écopé de près de 370 millions de dollars d’amende pour ne pas avoir protégé les données des adolescents. D’autres enquêtes restent ouvertes : TikTok saura-t-il convaincre qu’il est enfin sur la voie de la conformité ou finira-t-il par se voir fermé les portes de l’Europe ?
La question, finalement, demeure entière : les Européens peuvent-ils raisonnablement attendre que TikTok se plie sincèrement à la législation européenne ou doivent-ils se tenir prêts à tourner le dos à la plateforme ?
Source : Engadget
