Qui aurait cru qu’une vague d’intelligence artificielle puisse entraîner un tel bouleversement dans le secteur du recrutement numérique, où travaillaient jadis des milliers de personnes à travers Indeed et Glassdoor ? Qu’est-ce qui pousse aujourd’hui une entreprise aussi puissante que Recruit Holdings à tailler dans ses effectifs, impactant près de 1 300 salariés, principalement aux États-Unis ?
Lorsque le groupe japonais, géant discret mais incontournable du marché RH, a annoncé l’intégration de Glassdoor dans Indeed — et une réorganisation majeure centré sur l’IA — la nouvelle a sonné comme un avertissement. Est-ce la promesse d’un progrès technologique qui dicte ces suppressions de postes ? Ou cette révolution cache-t-elle avant tout une stratégie de réduction des coûts dans un contexte mondial tendu ? Selon le mémo interne du PDG Hisayuki “Deko” Idekoba, ce sont pourtant les départements R&D, tech, RH et développement durable qui sont les premiers visés, et ce, sur l’ensemble des marchés mondiaux. Cette restructuration concerne près de 6 % de la division technologie RH du groupe. Une simple question de chiffres ou un signe des temps ?
À la lumière des déclarations du groupe, l’argument central reste la capacité de l’IA à transformer l’expérience candidat comme employeur. Concrètement, une internalisation de Glassdoor et un focus sur l’automatisation peuvent-ils réellement « simplifier l’embauche » et surpasser l’humain dans des tâches aussi complexes ? Les dirigeants affirment qu’avec l’IA, « une personne trouve un emploi toutes les 2,2 secondes » via leur plateforme. Mais à quoi doit-on s’attendre en matière d’accompagnement personnalisé et de qualité de service avec des équipes réduites ?
Sous couvert de progrès technologique, c’est toute une industrie RH qui se métamorphose… mais à quelle vitesse et à quel prix humain ?
Le bouleversement ne s’arrête pas aux départs imposés des salariés : la réorganisation entraîne également le départ du CEO de Glassdoor, Christian Sutherland-Wong, et celui de LaFawn Davis, directrice des ressources humaines et du développement durable chez Indeed. Ces départs cristallisent-ils la volonté du groupe d’accélérer la fusion entre IA et gestion de carrière ou témoignent-ils d’une divergence profonde sur la direction stratégique de la société ?
Cette transformation n’est pas isolée. Microsoft, TikTok, Match, Intel, Meta : ces mastodontes de la tech orchestrent également des vagues de licenciements en investissant massivement dans l’intelligence artificielle. Faut-il y voir une accélération irrésistible vers l’automatisation et le numérique ? Ou bien la crainte d’une bulle technologique qui ferait, pour la deuxième fois en vingt ans, vaciller le secteur de l’emploi numérique ?
À l’heure où le digital rebat les cartes du travail, la promesse d’embauches facilitées cache une réalité plus amère pour des milliers de professionnels : quelle place leur restera-t-il dans un processus désormais piloté par des algorithmes ?
Le progrès a-t-il définitivement pris le pas sur l’humain dans le recrutement, ou reste-t-il une voie pour préserver la dimension humaine de l’accompagnement professionnel ?
Source : Techcrunch




