En ce début d’été, la technologie vogue sans complexe entre l’ultra-rationnel et le complètement absurde, se pliant (parfois littéralement) à toutes nos humeurs. Derrière les paillettes et la promesse du progrès permanent se cache un ballet étrange où la notion même d’innovation a, semble-t-il, revêtu un costume de prestidigitateur : un tour de passe-passe entre marketing et véritable disruption. Entre un écran Samsung qui se plie sans se rompre, un drive-in Tesla qui nourrit autant la voiture que le client, et la course effrénée à la mémoire sur PS5 gavée de gigabytes, la technique s’infiltre dans chaque recoin de notre quotidien pour redéfinir, ou du moins flatter, notre désir de nouveauté.
L’ironie, c’est que dans cette ruée vers le cool, ce sont les géants eux-mêmes qui, comme Google avec son Pixel 10, orchestrent leur propre démythification : le secret n’est plus, le teasing s’autodétruit, et l’anticipation laisse place à une transparence qui fleure bon le coup de comm’ bien huilé. La frontière entre produit et hype s’évapore, le show prime désormais sur la substance… ou sur la solidité (Samsung et son pli-denfer peuvent-ils se vanter de faire mieux que les AirTags perdus-sans-accessoire, eux-mêmes sujets à débat sur leur utilité réelle ?). Et dans la foulée, les utilisateurs, gavés d’annonces décortiquées avant même l’ouverture officielle, semblent las du “toujours plus”, préférant désormais une fiabilité certifiée (Apple Watch reconditionnée, SSD PS5 plug-and-play) à la surenchère de l’éphémère.
Mais la technologie, c’est aussi cette nouvelle religion du moment où l’on convertit la pause burger en moment branché grâce au Diner Tesla, où chaque recharge devient une performance sociale, et où le gadget prend racine dans le collectif, quitte à inspirer la méfiance d’une société surveillée sous drones et chiens robots – coucou Asylon, chiens du futur qui remplacent tout sauf la peur du bug. On nourrit autant le rêve de sécurité qu’on sème la paranoïa ; l’humain se fait petit à petit doubler (et surveiller) par des automatismes de plus en plus efficaces, de plus en plus omniprésents.
Plier, charger, surveiller : la technologie épouse nos usages, abolit nos limites, puis réinvente les contraintes sous couvert d’assistanat 2.0.
N’est-ce pas là le cœur du théâtre contemporain de la tech : nous offrir la promesse d’une fluidité totale — du SSD qui turbo-booste la PS5 à l’iPhone qui sépare vie pro/vie perso pour apaiser notre FOMO numérique — mais en instaurant une dépendance généralisée qui confine à la surveillance volontaire, voire à l’autosurveillance ? Entre le confort d’un clic et la gestion de l’angoisse d’être “hors ligne”, ne sommes-nous pas, malgré nous, piégés dans un mirage de contrôle, de sécurité, voire de liberté absolue, alors que les réseaux se resserrent et que, derrière la vitrine, le vrai progrès se mesure à la capacité de nous vendre toujours plus de petits plus ?
Alors que la compétition entre IA et robots s’intensifie, que l’innovation se fait parfois étalage plutôt que nécessité, il devient urgent de sonder ce que, dans nos attentes et nos émerveillements, nous sommes prêts à plier, troquer ou sacrifier. Si la tech promet tout pour tous, il n’est pas interdit de se demander : à force de surveiller, d’organiser et d’accumuler, qu’avons-nous laissé se perdre ? Du drive-in Tesla au Pixel révélé avant l’heure, la nouveauté a le goût de la répétition. Et s’il était temps de plier les shows marketing pour repenser ce qui mérite encore d’être véritablement découvert ?




