À toute vitesse et dans une joyeuse cacophonie numérique, le monde technique se métamorphose en arène où vieux rêves d’énergie inépuisable, stars déchues de la licorne, portails de FPS et IA gourmandes s’entrecroisent. La vraie question du jour, celle qui tourmente ingénieurs insomniaques et marketeurs dopés aux dashboards, pourrait se résumer ainsi : sommes-nous en train de pile-poser une révolution ou d’empiler fiévreusement gadgets, données, selfies dansants et promesses vaporeuses ? Quand YouTube donne vie à nos photos via IA tandis que OpenAI construit un Stargate pour broyer toute l’électricité du Texas, on peut douter qu’on ait jamais été aussi créatifs… ou aussi affamés d’hyperpuissance.
Ce n’est pourtant pas l’infrastructure ni l’innovation qui manquent. Les SSD s’invitent dans nos vies connectées comme des shots d’espresso pour nos fichiers (survivants du fax et de la clé USB au passage), tandis que la conversation B2B s’invente une seconde vie chez Gupshup (qui brade sa licorne, mais muscle ses chatbots sur plusieurs continents). L’ancien et le nouveau, la machine sur bureau qui assemble des ions façon fusion nucléaire rapide signée Avalanche Energy, croisent la collection Pokémon sur Switch 2, nostalgie boostée au marketing cross-plateforme : le progressisme industriel remixé à l’infantilisme marchand.
Pendant que la Silicon Valley s’agite à créer l’agent collaboratif “ultime” qui fera la nique au mail, ou à réinventer le “créateur libéré” qui mesure chaque like, chaque partage, chaque soupir d’audience (coucou Threads et ses Insights de conto-mètre camouflé), la donne se corse : la frontière entre outil d’émancipation et piége algorithmique devient invisible. Innovation, oui, mais au service de quoi : croissance, narcissisme social, collecte planétaire de data, sécurité ou productivité… ou simple fuite en avant vers la “next big thing”, peu importe si le bilan énergétique explose ou si l’on vend son enfant sur Instagram, bien filtré ?
La technologie trouve toujours une bonne raison de nous faire danser, pendant que nos infrastructures étouffent, que nos données s’envolent… et que la planète, elle, ne cligne même plus des yeux.
Ce paysage, où Amazon écoute tout, où l’arsenal nucléaire vacille sur une faille SharePoint et où Trump redéfinit la “neutralité” IA à coup d’intérêts industriels, n’est jamais que le reflet d’une civilisation qui préfère la métrique à la morale, la promesse de l’assistant omniscient à l’incertitude humaine. On croise dans la mêlée tant d’initiatives, de packages, d’outils “libérateurs” qu’à force de chatbots et de dashboards, on épuise plus sûrement notre concentration, notre climat, et notre désir d’étonnement qu’on ne fabrique de lendemains qui chantent.
Alors, faut-il applaudir ce gigantisme technologique et social où l’IA fait danser les photos, stocker 2 To sur un grain de riz, effacer une équipe humaine d’un coup de portail, ou dompter l’énergie du soleil sur une table de cuisine ? Ou prendre un pas de recul, réaliser que sous l’arrogance des chiffres et l’obsession de la métrique, il ne reste peut-être qu’une info essentielle – mais tragiquement absente de nos dashboards : le sens de l’humain qui, déjà, glisse entre les mailles de la data. Le futur appartient à ceux qui sauront où, quand et pourquoi débrancher… ou rebrancher. À chacun son portail.




