Comment une petite équipe d’experts en intelligence artificielle (IA), menée par un ancien professeur du MIT, peut-elle attirer des millions d’investissements, séduire des géants de la tech, et bouleverser nos modes de travail ? À l’heure où Fundamental Research Labs vient de lever 33 millions de dollars pour accélérer ses projets, la question mérite réflexion.
Quel est donc le pari unique de cette start-up, anciennement appelée Altera ? Contrairement à la plupart des jeunes pousses de la Silicon Valley qui concentrent leurs efforts sur un seul produit phare, Fundamental Research Labs s’aventure sur plusieurs fronts. Jeux vidéo, assistants de productivité, équipes de R&D et nouveaux outils pour professionnels : la startup dote chaque domaine d’une équipe dédiée. Pourquoi ce choix peu conventionnel ? Selon le fondateur Dr Robert Yang, il s’agit de bâtir « une société historique » qui ne s’enferme dans aucune case traditionnelle des startups.
Mais comment une structure aussi éclatée peut-elle générer de la valeur concrète ? Le secret pourrait bien résider dans leurs produits déjà commercialisés, comme Fairies, un assistant personnel qui connecte et orchestre d’autres applications à la voix ou à l’écrit, ou encore Shortcut, présenté comme “le premier agent Excel surhumain”. Shortcut, utilisé par des analystes financiers, aurait même surpassé des jeunes recrues de McKinsey ou Goldman Sachs sur de nombreux cas pratiques.
Le véritable enjeu est d’anticiper si ce laboratoire atypique de l’IA façonnera l’avenir du travail ou ne restera qu’une série d’expériences isolées.
Ce qui interpelle aussi, c’est la rapidité avec laquelle Fundamental Research Labs transforme ses idées en produits testés sur le marché… et déjà rentables ! Les utilisateurs paient pour ces assistants après une semaine d’essai, un modèle rare au stade du financement par capital-risque, où la gratuité domine souvent encore. Est-ce la preuve que leur vision touche déjà un réel besoin ? Ou un test habile, avant de pivoter vers d’autres terrains comme l’incarnation physique de l’IA, voire la robotique ?
Les investisseurs n’ont pas manqué le coche, impressionnés par « le calibre de l’équipe » et leur capacité à attirer certains des talents les plus brillants du secteur. La confiance de poids lourds comme Patrick Collison (Stripe) ou Prosus vient renforcer le sentiment que quelque chose de significatif se trame, avec déjà plus de 40 millions de dollars levés en moins de deux ans.
Pourtant, derrière ces promesses – et une communication maîtrisée sur les réseaux sociaux vantant la supériorité de leur outil sur des analystes humains – se cache la question de l’adéquation à long terme entre la technologie et les besoins concrets des entreprises. L’équipe se montre prête à « essayer différents modèles d’application » et affirme vouloir s’attaquer in fine au monde physique, en développant des robots aidant à résoudre les « vrais problèmes ».
En misant d’abord sur la productivité numérique, Fundamental Research Labs croit pouvoir générer assez de valeur et de revenus pour recruter et innover toujours plus vite… mais cette stratégie, qui mise sur la polyvalence et la vitesse, suffira-t-elle à transformer l’essai dans un secteur ultra concurrentiel ? La start-up ne risque-t-elle pas, à trop multiplier les pistes, de s’éparpiller là où d’autres misent sur la spécialisation ?
Reste donc à savoir : la vision éclatée et ambitieuse de Fundamental Research Labs sera-t-elle celle qui imposera l’IA généraliste dans nos routines professionnelles et personnelles, ou connaîtrons-nous simplement une autre promesse vite reléguée aux oubliettes ?
Source : Techcrunch
