Duolingo, le géant de l’apprentissage des langues en ligne, est-il en train de devenir le visage du bouleversement du monde du travail par l’IA ? Récemment, l’entreprise a annoncé un virage stratégique : devenir une société « AI-first » et remplacer une partie de ses prestataires par des intelligences artificielles. Mais derrière cette transformation technologique, que deviennent les milliers de travailleurs auparavant employés par la plateforme ? Et surtout, sommes-nous aux portes d’une crise de l’emploi provoquée par l’intelligence artificielle ?
Cette annonce de Duolingo n’est-elle qu’un coup de communication ou le reflet d’une tendance de fond ? À y regarder de plus près, ce n’est pas la première fois que l’entreprise emploie ce type de méthode. Comme le confie un ancien contractuel à un journaliste, la société avait déjà supprimé environ 10% de ses effectifs de sous-traitance à la fin de 2023, et une seconde vague aurait suivi en octobre 2024. Qui ont été les premiers touchés ? Les traducteurs, puis les rédacteurs : tous progressivement remplacés par des outils d’IA.
Mais Duolingo est-il l’exception ou le symptôme d’un phénomène plus vaste ? Un article de The Atlantic révèle que le taux de chômage chez les jeunes diplômés universitaires atteint des records inhabituels. S’agit-il d’une coïncidence ? Certains économistes avancent que le remplacement des emplois débutants — notamment les postes de « col blanc » — par des solutions d’IA serait en train de déplacer les investissements habituellement dédiés aux nouvelles embauches, les laissant sur la touche.
L’adoption de l’IA dans les entreprises menace non seulement les postes existants, mais réduit aussi les opportunités pour toute une génération entrant sur le marché du travail.
Faut-il voir derrière cette « crise » de l’emploi une fatalité technologique ? Selon Brian Merchant, il s’agit plutôt d’une série de décisions prises par les dirigeants cherchant à réduire les coûts de main-d’œuvre et à consolider leur contrôle sur l’organisation. Les conséquences ne tardent jamais : diminution des missions pour les artistes, auteurs ou illustrateurs freelances, et un penchant croissant des grandes entreprises à recruter moins d’humains, que cela soit dans la création ou ailleurs.
Est-ce alors l’annonce d’une révolution façon Hollywood dans laquelle les robots prennent le dessus du jour au lendemain ? Pas tout à fait. Pour Merchant, la réalité, bien plus froide, ressemble avant tout à une longue suite de licenciements sous couvert de « stratégie IA » — comme l’a fait récemment une administration fédérale américaine pour des milliers de postes — sans que ni salariés ni opinion publique n’aient vraiment le temps d’anticiper la transformation.
Derrière les promesses de productivité et d’innovation, doit-on s’inquiéter que la nouvelle « normalité » du travail ne laisse plus de place aux humains, notamment dans les industries créatives et les fonctions d’entrée de gamme ? Faut-il repenser entièrement notre rapport à l’emploi à l’ère de l’intelligence artificielle ?
Source : Techcrunch
