Derrière l’effervescence d’un secteur technologique qui se rêve en avant-garde, une étrange convergence se dessine : l’innovation est partout invoquée, mais l’inclusion de plus en plus rare. Voyez Apple, soudain pressé de justifier son retard dans la course à l’intelligence artificielle : on promet des rachats discrets, un Siri enfin « personnalisé », tout en reportant l’avenir triomphant à 2026. L’entreprise orchestre la patience de ses fidèles clients avec la virtuosité d’un chef-d’orchestre, mais qu’y a-t-il vraiment sous le capot ? Liquid Glass, interface brillante d’iOS 26, incarne à la fois le vernis du progrès et la réalité glaçante d’une fracture orchestrée, où chaque version met à la porte des utilisateurs somme toute très récents (pauvres XR et XS…).
L’exclusion, parlons-en. Sur les réseaux, la nouveauté n’est plus à portée de tous : Instagram, tel un videur tatillon, ferme le Live aux comptes de moins de 1 000 abonnés (Instalive ou Insta-off ?). N’entrent plus dans la lumière que les étoilés, les légions et les comptes publics. À la Silicon Valley, c’est le capital-risque qui se fait sélectif : CRV préfère les petits fonds vertueux, apostrophant une industrie jadis ivre d’hypercroissance (pari sur la prudence). Sont-ce là les premiers signes d’un nouveau darwinisme technologique, où innovation rime avec ghettoisation programmée ?
Sous ce vernis clinquant, l’expérience des déclassés, des refoulés du Live, des possesseurs d’iPhone trop vieux ou des salariés de start-up vendues à la découpe (Windsurf, anyone ?) façonne un paysage où la promesse du numérique universel s’effrite pour devenir club d’initiés. Pendant que les GAFAM détiennent la clef des algorithmes multi-agents hors de prix (Gemini 2.5 Deep Think réservé aux ultra-abonnés), et que la créativité indépendante doit lutter contre la double censure commerciale et idéologique (jeux vidéo indie étranglés par Stripe & Paypal), on célèbre « l’innovation », mais la sélection s’y révèle redoutable.
Derrière chaque « révolution » technologique, une réalité : l’accès devient le vrai champ de bataille de l’innovation.
Si Apple, Nintendo ou Google titillent la frontière entre rupture et exclusion programmée, ce n’est pas (seulement) par cynisme commercial ; c’est que l’économie de l’attention, celle qui vend la lumière aux plus connectés, s’est muée en marché du ticket d’entrée. L’innovation s’affiche, mais la liste des invités est chaque saison plus stricte. Même le hardware de l’ère Nothing Phone 3 se pare d’artifices lumineux… tout en réservant la puissance « flagship » à ceux qui en ont toujours plus les moyens (Allô Matrix, ici LED !).
Alors, vivons-nous vraiment le progrès ou un bal masqué où chaque porte s’ouvre sur mot de passe et solde disponible ? Est-ce le prix du renouvellement perpétuel, ou le symptôme d’une tech qui, à force de célébrer l’avant-garde, foule aux pieds le principe fondateur de la diffusion massive ? La question n’est plus de savoir quand Siri rattrapera Bing, mais à qui reviendra le contrôle du filtre – et pour combien de temps encore. De la Silicon Valley à Kyoto, la technologie n’est peut-être pas plus inclusive : elle est devenue, comme la lune, un spectacle réservé à ceux qui regardent dans le bon sens… et au bon moment.




