Imaginez le futur : nous déléguons notre mémoire à une IA de poche, nous affichons notre santé sur notre poignet, nous surfons sur des smartphones qui coûtent une petite fortune, et même la recherche web s’humanise à coups de chatbots conversationnels… mais qui, au juste, tire les ficelles ? La fine ligne entre progrès et chaos ressemble de plus en plus à une slackline numérique sur laquelle nous tanguons, applaudissant avec ferveur chaque nouveauté sans trop regarder si la corde tient vraiment.
Prenez Neon, cette startup qui promettait de transformer vos appels en billets de banque sous prétexte d’entraîner l’IA : soudain, tout le monde a compris que la “monétisation” de la voix cachait une foire d’empoigne où confidentialité rimait surtout avec invisibilité des garde-fous. Quand il suffit d’un test réseau pour piller les conversations privées d’inconnus sous couvert d’innovation, la question n’est plus « doit-on craindre la surveillance ? » mais « pourquoi la voulons-nous tellement… pourvu qu’elle ait une étiquette d’IA tendance ou qu’elle nous verse quelques centimes ? »
Ce goût du progrès s’incarne jusque dans nos poignets : la nouvelle Apple Watch prétend dépister, détecter, sauver — au grand bonheur des médecins anxieux et des instagrammeurs hypochondriaques. Mais la santé connectée est-elle un progrès lorsqu’on ne contrôle ni ses propres données ni, parfois, son accès à l’écosystème Apple ? Un paradoxe amusant lorsque, dans le même temps, on s’arrache les iPhones 17 — toujours plus puissants, toujours plus chers, donc toujours plus prompts à convertir notre vie privée en pixels immédiatement exploitables par le prochain algorithme venu.
Et si, derrière la griserie high-tech, chaque “assistant intelligent” ou “mémoire augmentée” n’était qu’un nouvel avatar d’un pillage consenti de nos identités, nos voix et nos souvenirs ?
Car la ruée vers l’IA ne s’arrête pas là : Google étend ses tentacules virtuelles, rêvant d’un internet uniformisé par des réponses générées à la volée, pendant que TwinMind se propose de devenir la boîte noire de votre vie — tout en jurant la main sur le cloud que “rien n’est stocké”, c’est promis juré. Sauf que le stockage, ce n’est pas le vrai danger ; le pouvoir de contextualisation, de croisement, de monétisation de ces frontières floues entre souvenirs et data, voilà la vraie arme éventrée. Quand Meta se trompe d’humain parce qu’un algorithme ne sait faire la différence entre Mark Zuckerberg et Mark Zuckerberg, on comprend que la “modernité algorithmique” est aussi triviale que violente : elle gomme les individualités à coups de pseudo-sécurité automatisée.
Le monde numérique devient un gigantesque jeu d’influences où la mémoire, l’argent, l’identité et la santé s’emmêlent dans un écosystème où le bouton “off” semble toujours hors de portée. Peut-être sommes-nous condamnés à virevolter d’une hype à l’autre, toujours prêts à vendre un bout de notre vie pour un accès anticipé. Ou alors, l’heure a sonné de demander un vrai contrôle, une vraie transparence — bref, une révolution. Mais qui donc osera appuyer, pour de bon, sur le bouton d’arrêt ?




