Dans le ballet effréné de l’intelligence artificielle mondialisée, voici qu’OpenAI dégoupille son abonnement ChatGPT Go à prix cassé en Inde et Indonésie. Signe des temps ou cynique opération séduction ? Surtout, c’est le miroir tendu d’un capitalisme algorithmique qui découvre les vertus du low-cost sous les tropiques. On pensait que la Silicon Valley n’avait d’yeux que pour l’Occident fortuné, la voici qui découvre, calculateurs en main, que la masse d’utilisateurs potentiels vaut davantage que la marge individuelle.
L’offensive tarifaire, sournoisement emballée dans du “pouvoir d’achat augmenté”, promet à la fois des conversations mémorisées et une personnalisation accrue. Mais n’y voyez pas un humanisme de bon aloi : à chaque itération, c’est la data locale qui nourrit les réseaux neuronaux, dopant la personnalisation tout autant que la prédation. Nick Turley fanfaronne sur les récents scores en Inde, mais l’objectif réel n’est pas la conquête culturelle, c’est le remplissage de pipelines monétisables à force de micro-abonnés : “global south, global big bucks”.
Face à ce grand écart, Google n’est évidemment pas en reste ; son pack “AI Plus” déboule avec la surenchère classique : Gemini 2.5 Pro en bandoulière, cloud extensible gratuitement, et l’intégration au sein du panthéon Gmail-Docs. La guerre froide numérique, version bundle, cherche à fidéliser l’utilisateur à coups de services additionnels, dans un écosystème verrouillé. La stratégie du tout-en-un n’est pas moins dangereuse : à force d’attirer le consommateur dans la nasse d’écosystèmes fermés, chaque clic devient source d’enfermement.
Quand l’abonnement IA se vend à la découpe, c’est la souveraineté numérique qui trinque, bien plus que le portefeuille du client.
Qui sortira vainqueur de ce duel d’ogres ? Peut-être aucun, car cette “guerre des prix” pourrait bien sacrifier sur l’autel du volume l’innovation profonde et la protection des données personnelles, transformant le citoyen numérique en simple abonné captif à force de pseudo-bons plans. Le Sud global devient-il enfin acteur ou simple terrain d’expérimentation discount, où la concurrence ne fait qu’exacerber la dépendance technologique ? Rien n’est moins sûr tant le pouvoir réel reste concentré entre quelques mains, et les marges ténues n’incitent guère à de véritables révolutions dans le respect de la vie privée ou l’innovation responsable.
Il reste donc à se demander si la démocratisation de l’IA passera réellement par l’accès massif et bradé, ou si elle précipitera la planète entière dans une nouvelle ère du “payez moins, valez moins”, où seule la fidélité, forcée, compte. Rira bien qui rira le dernier : l’algorithme, ou l’utilisateur ?



