La justice américaine vient-elle de sceller le sort de DJI sur le sol américain, ou la saga judiciaire du premier fabricant mondial de drones est-elle loin d’être terminée ? Depuis plusieurs années, les autorités des États-Unis scrutent la place de DJI, géant chinois de la tech, sur leur territoire. Mais sur quelles preuves le Département de la Défense appuie-t-il ses accusations, et la réponse judiciaire du 27 septembre marque-t-elle un tournant décisif ?
Le verdict rendu par le juge Paul Friedman a mis fin – du moins pour l’instant – aux espoirs de DJI d’être retiré de la liste noire du Pentagone. Le juge a souligné la quantité « substantielle d’éléments » démontrant une contribution de DJI à la base industrielle de défense chinoise. Mais quelles sont ces preuves concrètes ? L’utilisation avérée de drones DJI, détournés de leur usage civil et modifiés sur le champ de bataille ukrainien, suffit-elle à les assimiler à du matériel militaire ? La marque affirme que ses appareils sont destinés au civil, mais suffit-il d’une notice d’utilisation pour contrôler le destin technologique d’un produit ?
La justice américaine reconnaît d’ailleurs elle-même que les arguments retenus par le Pentagone sont loin d’être infaillibles : plusieurs autres justifications avancées par l’État ont été rejetées. Cependant, au-delà du Département de la Défense, DJI est aussi dans le viseur d’autres agences gouvernementales – Commerce et Trésor – qui ont toutes adopté une approche similaire, mettant progressivement la société chinoise sur la sellette. Pourquoi une telle convergence de pressions contre un acteur apparemment civil de la tech ?
La décision judiciaire ne fait qu’amplifier une confrontation techno-géopolitique, où les frontières entre usage civil et usage militaire semblent plus floues que jamais.
DJI, de son côté, martèle son innocence : la société assure ne pas être sous le contrôle de l’armée chinoise et souligne que le Pentagone lui-même reconnaît la vocation non militaire de ses produits. Pourtant, DJI admet que sa réputation et son chiffre d’affaires souffrent de cette désignation : la justice américaine a-t-elle le pouvoir d’asphyxier économiquement un géant mondial par simple présomption ? Quels effets cette stigmatisation pourrait-elle avoir sur la chaîne d’approvisionnement mondiale des drones ?
La bataille est loin d’être close. DJI laisse entendre qu’elle explorera d’autres recours juridiques. Pourtant, un autre obstacle majeur se dresse : à partir de décembre prochain, un possible bannissement total des ventes pourrait entrer en vigueur si les agences de sécurité américaine estiment que les drones représentent une menace pour la sécurité nationale. La technologie chinoise peut-elle être séparée des enjeux souverains américains, ou sommes-nous témoins d’un affrontement techno-politique visant autant la puissance économique que la sécurité ?
DJI, victime collatérale ou acteur trouble d’un conflit entre superpuissances, pourra-t-elle prouver qu’elle n’est qu’une entreprise civile, ou sera-t-elle définitivement jetée dans la catégorie des instruments de guerre hybrides ? Quelles seront les prochaines manœuvres juridiques ou politiques, et, surtout, la frontière entre technologie civile et militaire n’est-elle pas définitivement brouillée par cette affaire ?
Source : Techcrunch




