« L’argent ne tombe pas du ciel, mais apparemment, il pleut des billets quand on filme des voleurs de colis. » Voilà un slogan qui aurait très bien pu être imprimé sur les paquets d’Anker/Eufy, cette entreprise chinoise qui, non contente de sécuriser nos allées, propose à ses utilisateurs de jouer les réalisateurs de thrillers de quartier… rémunérés ! Cette année, la marque est allée plus loin dans l’originalité : elle a offert deux dollars par vidéo servant à entraîner sa chère intelligence artificielle à repérer les voleurs de colis et de voitures. On peut dire qu’à défaut de retrouver son colis Amazon, on peut rapidement récupérer ses deux euros.
Petit twist, la campagne ne se contentait pas de demander de vraies vidéos de cambriolages : Eufy encourageait aussi la mise en scène ! Eh oui, le vol de voiture vu par Spielberg façon amateur. Les instructions conseillaient même d’être efficace : « Un seul vol simulé peut être filmé par plusieurs caméras, c’est du deux en un. » Certains ont même vu le jackpot : jouer le faux voleur sur plusieurs véhicules, c’est 80 $ cash. La créativité au service de l’IA, mais gare au ridicule si on croise son voisin durant la fausse effraction…
Évidemment, Eufy jure que l’ensemble de ces données ne servira qu’à coacher leurs algorithmes et non à d’autres fins. Mais jetons-y un œil critique (de lynx) : à l’heure du tout-IA, nos vidéos privées valent de l’or, et les entreprises sont prêtes à sortir le chéquier. Pourtant, ce bel élan participatif peut vite tourner à la fausse bonne idée sécuritaire. Rappelons par exemple le cas de l’application Neon, qui rémunérait les utilisateurs pour partager les enregistrements de leurs appels. Résultat : énorme faille de sécurité, fuite de données, rideau sur l’appli. On vous laisse réviser votre code civil plutôt que de bricoler des fausses arrestations.
Quand nos caméras filment pour l’IA, la frontière entre sécurité et exhibition devient floue…
La campagne d’Eufy, qui a tourné entre décembre et février, a visé la récolte de 40 000 vidéos de vols divers. Selon les forums, plus de 120 utilisateurs s’y sont prêtés au jeu, via un sympathique Google Form à remplir en échange de paiement Paypal. Mystère : la marque n’a jamais précisé combien de films sont arrivés, ni où ces vidéos terminent leur carrière d’actrice après avoir coaché l’algorithme. Eufy entretient même le concept du “don” vidéo avec un mur d’honneur dans son app. Le premier ? Plus de 200 000 vidéos offertes… Là, c’est clairement Hollywood.
Preuve que le filon est juteux, l’entreprise continue ses campagnes, parfois en remplaçant l’argent par des médailles virtuelles, caméras gratuites ou bons cadeaux. Les nouveaux castings sont même ouverts aux vidéos de babyphones, sans rétribution cette fois… Quand on vous disait que tout est données, surtout les premiers pas ou les crises de larmes de Bébé !
Par contre, côté promesses de confidentialité, on repassera… Déjà en 2023, Eufy s’était fait taper sur les doigts pour avoir vanté une sécurisation « de bout en bout », tout en laissant traîner des flux non cryptés sur son portail web. Après un bon savon des médias – et quelques excuses bien rédigées – la société a promis de « corriger le tir ». On attend de voir si, cette fois-ci, elle ne filme pas la scène à l’envers.
Alors, moralité : si filmer des voleurs vous tente, gardez à l’esprit que votre anonymat vaut bien plus que quelques sous, et qu’à force de vouloir améliorer la sécurité, on met parfois en scène nos propres vulnérabilités… Bref, attention à ne pas finir caméraman… de ses propres casseroles !
Source : Techcrunch




