La liberté sur les réseaux sociaux n’est-elle qu’un mirage ? À l’heure où la fragmentation du web social s’accentue, la question de la portabilité des comptes devient un enjeu central. Pouvons-nous véritablement emporter nos communautés et réseaux d’une plateforme à l’autre, ou sommes-nous condamnés à des silos numériques, dépendants des décisions individuelles de chaque service ?
Cette semaine, un vent de changement souffle avec l’annonce de Bounce 2. Cette technologie ambitionne-t-elle vraiment de briser les frontières entre Mastodon et Bluesky ? Est-il enfin possible d’emmener son graphe social — cette toile de contacts patiemment tissée — avec soi, au gré de ses désirs ? Selon ses créateurs, la promesse est claire : permettre aux utilisateurs de s’affranchir des contraintes, de migrer ou fusionner leurs profils entre Mastodon et Bluesky, dans un sens comme dans l’autre.
Mais que cache cette avancée technique ? Bounce, développé par la structure à but non lucratif A New Social, s’inscrit dans le contexte d’un web social “ouvert”, mais actuellement divisé entre plusieurs protocoles : d’un côté ActivityPub (qui propulse Mastodon, Threads et d’autres alternatives), de l’autre l’AT Protocol utilisé par Bluesky. Ces protocoles restent incompatibles, forçant les usagers à créer et gérer des identités séparées. Comment Bounce réussit-il alors à faire le pont ? Grâce à une technologie héritée de Bridgy Fed, un service déjà utilisé pour rendre visibles les profils d’un réseau sur l’autre. Est-ce suffisant pour espérer la naissance d’un véritable écosystème interopérable ?
Bounce 2 vise à faire tomber les barrières entre réseaux sociaux ouverts, mais la portabilité totale des contenus est-elle vraiment atteinte ?
Mais l’envers du décor mérite-t-il la même confiance ? Car, si Bounce promet la migration des graphes sociaux, qu’en est-il des publications, des contenus originaux accumulés sur Mastodon ? Là, la technologie atteint ses limites : lorsqu’on “bascule” de Mastodon vers Bluesky, seule la liste des contacts nous accompagne, et non les messages ou archives. Cette inégalité technique ne risque-t-elle pas de freiner l’adoption de telles solutions ? De plus, lors d’une fusion de comptes déjà “bridgés”, certaines données comme les listes de followers seront fusionnées, mais pas remplacées — un compromis technique, mais aussi social.
Reste la question du pouvoir de l’utilisateur. Les plateformes ouvertes telles que Mastodon et Bluesky peuvent-elles rester de simples “portes d’entrée”, ou leurs spécificités finiront-elles par enfermer les internautes dans de nouveaux silos ? L’association A New Social revendique une vision claire : « Les gens devraient pouvoir changer d’avis, utiliser les technologies qu’ils préfèrent et rester en contact avec leur entourage, quelles que soient leurs plateformes. »
En toile de fond, subsistent les défis économiques : l’effort d’interopérabilité repose encore sur le soutien communautaire – Bounce 2 sera disponible ce mois-ci, et A New Social appelle à soutenir le projet via Patreon ou une boutique de merchandising. Dans cette économie des réseaux sociaux “ouverts”, l’avenir de l’interconnexion repose-t-il vraiment sur la solidarité des utilisateurs ?
En définitive, alors que la portabilité progresse pas à pas, sommes-nous suffisamment outillés pour échapper à l’enfermement des plateformes, ou n’est-ce qu’un pas vers de nouvelles dépendances déguisées ?
Source : Techcrunch




