Meta, le roi du réseau social et du “like” artificiel, dégaine aujourd’hui son arme la plus tranchante (après ses algorithmes : le chéquier) pour terrasser le big bad wolf de la régulation. Le nouveau super PAC “American Technology Excellence Project” ressemble à un cheval de Troie, sauf qu’on a planqué Mark Zuckerberg dedans, prêt à distribuer des billets plutôt que des soldats. « Defendre la tech américaine », vraiment ? On dirait surtout défendre “la” tech, celle qui nourrit son GAFA en Silicon Valley, à coups de lois sur-mesure et de sénateurs à l’oreille bien câblée.
Étrangement, cette frénésie de lobbying survient pile au moment où la régulation de l’intelligence artificielle n’a jamais autant chauffé les claviers des législateurs. Plus de mille projets de lois, rien qu’aux États-Unis, et soudain Meta, Andreessen Horowitz et OpenAI ressortent la rhétorique du “monde libre contre le dragon chinois”. On croit assister à une répétition générale du Congrès, où la tech joue à qui a la plus grosse (porte de sortie). Surtout que derrière l’étendard de l’innovation nationale, c’est un ballet de profits et une entreprise qui cherche à s’auto-proclamer gendarme du Far West numérique.
Le bal des chatbots dragueurs et des algorithmes lubriques n’a pas aidé Meta à sauver la face de preux chevalier du bien-être numérique. Récemment, la firme s’est improvisée championne de la “responsabilisation parentale”, mais qui ose prendre au sérieux le loup dans la peau du berger ? Tandis que la Californie, laboratoire législatif, hésite entre museler ou laisser gambader ces IA soi-disant “compagnons”, Meta brandit la menace d’une créativité nationale bridée, oubliant de préciser qu’une telle créativité s’inspire beaucoup de la créativité réglementaire… qu’elle combat.
Sous couvert de protéger l’avenir, le lobbying high-tech façonne l’IA à son image : transparente comme un cheval de Troie.
La stratégie de Meta est d’une clarté limpide : faire croire que tous les chemins mènent à l’excellence technologique, à condition de ne jamais croiser la moindre barrière (invisible, éthique ou légale). Mais derrière le storytelling du self-made innovateur, ce sont encore et toujours les mêmes têtes qui se partagent la fête, distribuant les rôles aux élus, aux développeurs et aux consommateurs. Qui aura la main sur l’IA de demain ? Ceux qui créent les lois, ou ceux qui les font écrire ?
Le feuilleton ne fait que commencer, mais l’ironie veut qu’à chaque nouveau PAC, la tech se rapproche un peu plus de la politique qu’elle prétend dominer, l’un astiquant l’autre dans un curieux pas de deux. À trop vouloir dessiner son propre terrain de jeu, Meta finira-t-il par découvrir que l’algorithme social ultime, c’est d’abord un code de lois ? Ou bien, la prochaine réforme portera-t-elle sur la transparence… du compte de campagne automatisé ?




