Jusqu’où les géants de la tech sont-ils prêts à aller pour répondre à la soif exponentielle de leur intelligence artificielle et de leurs infrastructures dématérialisées ? Alors que Google vient de conclure un impressionnant accord de 3 milliards de dollars pour garantir 3 000 mégawatts d’hydroélectricité, on se demande : quelle course à la puissance est réellement en train de s’orchestrer dans l’ombre des data centers américains ? La promesse d’une énergie « propre » suffit-elle à rassurer les citoyens et à répondre à cette demande qui semble sans limite ?
Ce partenariat inédit, le plus important jamais signé dans le domaine de l’hydroélectricité, relie Google et la division renouvelable de Brookfield Asset Management. Concrètement, la première phase va permettre au géant californien de s’appuyer sur 670 mégawatts d’électricité sans carbone issus de deux centrales en Pennsylvanie. Mais à quoi ce volume énergétique va-t-il réellement servir ? Derrière l’image écolo, il s’agit tout simplement d’alimenter la voracité énergétique des plateformes cloud et IA de Google, dopées par des services en pleine explosion. Et si cette manne ne suffisait pas, l’accord permet à Google de moderniser ou d’étendre ces infrastructures selon ses besoins futurs, encore inconnus aujourd’hui.
Le choix du réseau PJM, le plus vaste des États-Unis avec 65 millions de clients, n’est pas anodin. Ce grid est déjà sous tension, mis à rude épreuve par l’appétit énergétique des stars de la high-tech américaine. Google promet pourtant une expansion « responsable » de ses infrastructures, au service de la vie quotidienne et des entreprises… Faut-il prendre ces engagements au pied de la lettre ? Quels impacts pour les communautés locales déjà confrontées à des tensions sur l’approvisionnement électrique et la montée des prix de l’énergie ?
La transition numérique portée par l’IA pose de nouveaux défis écologiques et sociaux : sommes-nous réellement préparés à y faire face ?
Cette stratégie d’intensification énergétique n’est pas propre à Google. Au même moment, Meta, son concurrent direct en matière d’IA, vient d’annoncer des investissements astronomiques dans des data centers géants destinés à faire émerger une « superintelligence » dépassant l’humain : simple surenchère ou nécessité absolue pour rester compétitif ? Mais un chiffre glace le sang : chaque data center consommerait déjà plus de 500 000 gallons d’eau… par jour ! Les futures installations axées sur l’IA pourraient faire grimper ce chiffre à plusieurs millions. Peut-on alors parler de « technologie propre » quand le tissu local risque pénuries d’eau et augmentation des tarifs ?
D’après une récente enquête du New York Times, les communautés environnantes de ces infrastructures sont souvent les premières à ressentir les conséquences de cette consommation insatiable : à qui profite réellement la course à la suprématie algorithmique ? Et que se passera-t-il lorsque les limites de notre environnement — eau, énergie — seront franchies, notamment dans les zones déjà fragilisées ?
La liste des questions ne cesse de s’allonger : les fermes de serveurs pilotées par l’IA, promises à un rôle central dans notre quotidien, sont-elles compatibles avec la préservation des ressources naturelles ? Les géants du numérique peuvent-ils vraiment concilier croissance débridée et respect des territoires qui les accueillent ? Faut-il imposer des garde-fous réglementaires pour protéger les ressources vitales des populations locales ?
Au final, derrière la façade d’une transition énergétique verte au service de l’innovation numérique, c’est tout un modèle industriel et social qui vacille. La technologie fait-elle réellement rimer progrès avec durabilité, ou sommes-nous déjà prisonniers d’un engrenage énergétique incontrôlable, au risque de sacrifier nos ressources essentielles ?
Source : Engadget




