Apple est-elle vraiment en train de menacer le choix des consommateurs ou sommes-nous face à une accusation exagérée du département de la Justice américaine ? Depuis plusieurs mois, l’affrontement judiciaire entre Apple et le DOJ s’est intensifié, remettant frontalement en cause la stratégie du « walled garden » qui fait la réputation et la fortune du géant de Cupertino. Quelle est la véritable portée de cette riposte officielle déposée par Apple, et que cherche-t-on à protéger : la concurrence ou un modèle d’innovation unique ?
Dans sa réponse déposée devant la justice, Apple se défend point par point contre les nombreuses accusations du DOJ. Les autorités reprochent à la marque à la pomme de brider la concurrence sur ses plateformes en limitant l’émergence de « super apps » ou le développement d’applications de streaming de jeux dans le cloud. Mais la firme rétorque qu’elle accueille déjà ce type d’applications sur son App Store. À qui doit-on croire ? Les exemples abondent pourtant d’applications multi-services bel et bien disponibles. S’agit-il d’une mauvaise compréhension réglementaire ou Apple maquille-t-elle habilement une réalité moins reluisante ?
Un autre point de discorde porte sur la manière dont Apple traiterait les apps de messagerie tierces et les objets connectés tels que les montres intelligentes concurrentes. Le DOJ évoque une « dégradation » volontaire instaurée par Apple, ce que l’entreprise nie en bloc en insistant sur la compatibilité réelle de ces produits avec l’iPhone. Mais est-ce aussi simple ? Quel utilisateur n’a pas déjà rencontré des limitations frustrantes sur certains périphériques non Apple ? Les garde-fous, officiellement mis en avant pour protéger la sécurité de l’utilisateur, sont-ils réellement conçus dans cet intérêt ou pour maintenir les utilisateurs captifs de l’écosystème maison ?
Le bras de fer entre Apple et le DOJ pourrait bien redéfinir l’équilibre entre innovation, sécurité et ouverture au sein de l’industrie mobile américaine.
Apple va plus loin dans sa défense : elle rejette en bloc toute allégation de monopole, accusant le DOJ de manipuler les chiffres en se concentrant sur les revenus, et non le nombre d’appareils vendus. L’entreprise critique également la segmentation du marché proposée par l’administration, qui isolerait artificiellement les « smartphones de performance » pour mieux accuser la marque. Mais sur ce terrain, Apple ne serait-elle pas en train de chercher à diluer sa responsabilité au sein d’une concurrence, certes réelle à l’échelle mondiale, mais beaucoup moins tangible sur le territoire américain ?
Le procès n’en est qu’au début de son parcours : place désormais à la phase de découverte, où chaque parti devra prouver point par point ses accusations ou ses justifications. Les prochaines révélations viendront-elles lever le voile sur la réalité du pouvoir d’Apple, ou démontrer la nécessité d’un changement de paradigme dans l’industrie tech ? Dans ce duel à haut risque, c’est la structure même de l’économie numérique qui pourrait être ébranlée – et avec elle, le quotidien de millions de consommateurs.
Dans une société habituée à jongler avec les applications et à dépendre de leurs écosystèmes, la véritable question, en filigrane, reste entière : ouvrir la porte d’Apple au reste du monde, est-ce vraiment synonyme de plus de liberté ?
Source : Engadget




