Mirages publics et lendemains qui (n’)innovent pas

Illustration originale : Evan Iragatie / Flux

Edito
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Mirages publics et lendemains qui (n’)innovent pas

Il fut un temps où le capitalisme et l’État se regardaient en chiens de faïence, mais aujourd’hui, ils semblent partager la même nappe à la cantine des champions technologiques : le gouvernement américain s’invite, sans payer l’addition, à la table d’Intel. Un sauvetage industriel maquillé en prise de participation passive, non par sauvetage financier, mais par récupération de subventions antérieurement gelées. Difficile de ne pas voir dans cette manœuvre un coup politique d’école, typiquement bipartisan : Biden invente, Trump récupère — deux faces d’une même pièce semi-conductrice, dont la véritable utilité demeure à prouver.

Mais ne soyons pas dupes : pendant que l’un recycle les aides publiques pour soigner son storytelling politique, d’autres innovateurs misent sur des promesses bien plus spectaculaires : la fusion nucléaire. Là aussi, à coups de milliards investis et de plans sur la comète, start-ups et géants US veulent faire croire à une révolution imminente. Mais qu’y a-t-il de plus similaire qu’un État actionnaire “passif” chez Intel et une startup de l’énergie pilotée par la foi béate de Google ou Microsoft ? Dans les deux cas, on empile les parts et les espoirs, on optimise la com’, et on attend le miracle — ou le burn-out boursier.

Car le techno-miracle a ses variantes exotiques : pendant qu’aux États-Unis, on nationalise mollement la tech ou qu’on rêve de centrales à plasma, en Inde, on préfère la discrétion de la stratégie Citymall. Ici, l’innovation n’est pas dans le quantique, mais dans la patience : miser sur des marges négatives, viser les consommateurs lambda et remettre en cause la livraison en 10 minutes, c’est le pari du commerce réfléchi contre l’ivresse de l’instantanéité. L’Inde hésite, Citymall piétine, et les investisseurs continuent de flamber — à croire qu’à chaque continent ses promesses différées et ses sauvetages à crédit.

La technologie ne sauve pas le monde : parfois elle ne fait que repousser les échéances, en attendant que les promesses deviennent, enfin, profitables ou crédibles.

Partout, la technologie promise ne semble plus tant destinée à changer la vie qu’à produire un effet d’annonce : à défaut de pouvoir garantir l’autosuffisance américaine, on fabrique une conviction actionnariale “souveraine” ; à défaut de produire une énergie illimitée, on multiplie les prototypes à rentabilité hypothétique, cirque médiatique garanti ; à défaut d’occuper la rue indienne, on valorise la constance et la patience, jusqu’à l’épuisement ou jusqu’à la prochaine levée de fonds héroïque. Seul le mauvais sort réservé aux actionnaires minoritaires, aux consommateurs pressés ou aux idéalistes de l’atome reste finalement certain.

À force de regarder l’innovation comme une martingale politique, une manœuvre financière ou une course à la patience, ne sommes-nous pas en train d’oublier que toute “disruption” véritable suppose un minimum d’honnêteté industrielle ? L’État qui s’invite chez Intel, l’entrepreneur de la fusion qui promet le soleil en barre ou le e-commerçant qui parie sur la lenteur : tous misent sur l’incertitude, l’esbroufe ou le mirage. En 2025, la tech est-elle devenue une salle d’attente mondialisée où chacun, du PDG à l’actionnaire au consommateur, trépigne – au mieux – pour un avenir reporté sine die ?

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