Peut-on vraiment réinventer la feuille de calcul à l’ère de l’intelligence artificielle, ou n’assistons-nous qu’à un énième relooking de l’outil bureautique le plus classique ? Anna Monaco, pionnière des agents IA, pense avoir la réponse en lançant Paradigm, une plateforme qui propulse les tableurs dans une nouvelle dimension. Mais pourquoi miser sur un format aussi rétro que le tableur pour le futur de l’intelligence artificielle ?
À force de développer des chatbots, Monaco a fini par observer une habitude intrigante chez elle et d’autres professionnels : l’utilisation intense des feuilles de calcul pour stocker des données clés comme le CRM, malgré la pénibilité et la lourdeur de la saisie manuelle. Est-ce le symptôme d’un manque d’outils adaptés ou simplement un attachement à la flexibilité inégalée d’un tableur ? Quoi qu’il en soit, c’est là qu’elle a détecté un terrain d’innovation. Et si l’IA, au lieu de remplacer l’humain, s’intégrait dans cet outil omniprésent pour alléger les tâches répétitives et enrichir l’expérience utilisateur ?
De cette réflexion est né Paradigm, un tableur boosté par plus de 5 000 agents IA, chacun capable de scruter le web pour remplir en temps réel les cellules. Ici, chaque colonne, chaque cellule, peut être alimentée par un prompt et un modèle d’IA distinct (OpenAI, Gemini, Anthropic…). Cette diversité n’est-elle pas la vraie révolution, en offrant à la fois performance et coût maîtrisé selon le besoin du moment ?
Paradigm parie sur la familiarité des tableurs pour offrir une rupture technologique tout en douceur.
Après plusieurs mois de beta test en 2024 et des itérations guidées par des retours clients provenant aussi bien du conseil, de la finance que de la tech, Paradigm annonce un tour de table de 5 millions de dollars mené par General Catalyst, portant le total de ses levées à 7 millions. EY, Etched ou Cognition figurent déjà parmi les premiers utilisateurs. Mais l’engouement va-t-il durer alors que Google et Microsoft déploient leurs propres fonctionnalités IA et que Quadratic, une autre startup ambitieuse, vient de lever 6 millions de dollars sur le même créneau ?
La fondatrice persiste : pour elle, Paradigm n’est pas un simple “tableur assisté par IA”, mais bien un nouveau mode de workflow, appelé à dépasser les frontières de la feuille de calcul traditionnelle. Une approche qui séduit même des investisseurs qui, selon Monaco, continuent à utiliser et payer le produit bien après la levée de fonds. S’agit-il d’un gage de pérennité ou d’un simple effet de mode dans l’effervescence actuelle autour de l’IA ?
La question de l’avenir demeure entière. Monaco elle-même s’interroge : comment concilier la puissance immédiate de l’intelligence artificielle et la préparation aux transformations futures du travail ? Le défi ne serait-il pas, au fond, d’intégrer l’IA au quotidien sans dérouter l’utilisateur, tout en lui offrant une porte ouverte vers d’autres usages encore impensés ?
À l’heure où tout s’automatise, sommes-nous prêts à déléguer autant de nos tâches à des “agents invisibles” logés dans une interface familière ? Ou risquons-nous de perdre le contrôle sur des processus de plus en plus opaques ? La feuille de calcul, rempart contre la complexité, va-t-elle devenir l’arène d’une nouvelle bataille entre humains et machines ?
Source : Techcrunch




