Les batteries au lithium aussi révolutionnaires qu’elles soient, ont-elles atteint leurs limites ? En quoi la Silicon Valley de l’électrochimie pourrait-elle transformer à nouveau l’industrie des véhicules électriques (EV) ? Avec le démarrage de son usine à Moses Lake, dans l’État de Washington, la startup Sila promet de bouleverser la donne. Mais est-ce que cette avancée technique sera vraiment le tournant tant attendu pour des voitures plus autonomes et des recharges ultrarapides ?
Depuis 14 ans, Sila peaufine ses anodes au silicium, présentées comme la pièce manquante du puzzle énergétique. Leur promesse ? Augmenter la densité énergétique des batteries de 50 % et permettre aux États-Unis de rivaliser avec la mainmise asiatique sur ce secteur. Gene Berdichevsky, fondateur et PDG de Sila, affirme qu’inventer localement et produire localement, c’est le pari gagnant de demain. Mais qui, vraiment, remportera cette course mondiale effrénée vers la suprématie de la batterie ?
Sila n’avance pas seule sur ce marché. Si ses partenariats avec Panasonic et Mercedes témoignent d’un intérêt croissant, d’autres acteurs comme Group14 ou Amprius occupent déjà le terrain, parfois bien au-delà des frontières américaines. La startup mise tout sur sa nouvelle méga-usine, la première à grande échelle en Occident pour le silicium, financée par une levée de fonds spectaculaire de 375 millions de dollars. Mais la pression n’est-elle pas énorme, alors que tant de concurrents rôdent et que la filière enchaîne difficultés et faillites ?
L’avancée de Sila annonce-t-elle une renaissance industrielle américaine ou un épisode de plus dans la guerre des batteries mondialisée ?
Si le contexte local de l’État de Washington, entre hydroénergie bon marché et matières premières à portée de main, semble idéal, suffit-il pour transformer une rupture technologique en succès industriel ? Sila parie sur le « made in USA » pour garantir indépendance et réduction des coûts, tout en promettant des performances inédites : batteries moins chères, charge plus rapide, et utilisation réduite de matériaux onéreux comme le nickel. Mais ces promesses résisteront-elles à la réalité de la production de masse ?
Les débuts à Moses Lake doivent avant tout rassurer clients et investisseurs. Même si les premiers lots de matériau seront strictement identiques à ceux de la R&D en Californie, la preuve finale viendra-t-elle réellement de l’usine, ou des futurs modèles Mercedes et Panasonic annoncés au compte-gouttes ? Et face à la concurrence féroce des fournisseurs asiatiques, dont le coût reste imbattable grâce à des subventions massives, ce pari sur l’indépendance technologique s’avère-t-il tenable à long terme ?
Berdichevsky voit déjà plus loin : une adoption massive des EV dans la prochaine décennie, obligeant Sila à dupliquer son modèle à travers les États-Unis, puis éventuellement en Europe et en Asie. Mais jusqu’où une startup peut-elle soutenir un tel déploiement face aux géants déjà en place, et la volonté politique saura-t-elle suivre ?
Finalement, au-delà du défi technique, Sila remet sur la table la question du leadership industriel américain. Fabriquer chez soi pour reconquérir « la fierté nationale », est-ce une utopie ou une stratégie réaliste dans un secteur aussi globalisé et volatile que celui des batteries ?
La Silicon Valley américaine parviendra-t-elle vraiment à imposer ses batteries au silicium, transformant la fabrique locale en arme de reconquête industrielle, ou restera-t-elle à la merci des géants asiatiques et de leurs chaînes d’approvisionnement inégalées ?
Source : Techcrunch




