Monétisez-moi, sécurisez-moi, centralisez-moi : le grand bal des illusions technologiques

Illustration originale : Evan Iragatie / Flux

Edito
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Monétisez-moi, sécurisez-moi, centralisez-moi : le grand bal des illusions technologiques

Sous couvert de progrès, de praticité et de promesses de sécurité, le monde technologique opère sa véritable révolution : il façonne de nouveaux rituels du consentement, du partage et de l’échange, dans lesquels notre vie privée, notre attention et même nos données deviennent tour à tour monnaies, offres spéciales ou mises en scène lucratives. Que l’on parle de l’éducation aux risques via l’entraide des utilisateurs de ZoraSafe, de l’organisation séduisante de nos achats dans Gmail, ou encore de la captation rémunérée de nos conversations avec Neon Mobile, partout la technologie nous invite à troquer un peu plus de nos vies contre quelques outils pratiques – ou de simples promesses de protection.

Ce vaste échange ne s’arrête pas à la sphère domestique. À Munich, Uber et Momenta ambitionnent d’ériger la ville en laboratoire de la mobilité autonome, promouvant un modèle où la confiance dans l’automatisation doit remplacer le lien humain, là encore au prix d’une délégation quasi totale de notre sécurité et de nos trajets à l’opacité algorithmique. Partout, c’est la même chanson : de la chaîne YouTube du babyphone au robotaxi, du badge NFC d’alerte sur le smartphone à la centralisation des emails d’achats, l’humain devient spectateur d’une automatisation jouissive, mais toujours plus gourmande en données intimes.

À la frontière du ridicule (et du malaise), la campagne d’Eufy résume à elle seule l’absurdité contemporaine : jouer les voleurs et simuler des scènes de crimes pour “entraîner” l’IA, tout en empochant quelques euros. D’un côté, l’économie collaborative de la cybersécurité version ZoraSafe, de l’autre, la captation des moments privés (voire des premiers pas de bébé !) offerts sans contrepartie ; il ne manque qu’un coach numérique (payant, évidemment) pour nous former à la joyeuse privatisation de nos existences. Apple, de son côté, choisit de jeter l’éponge et de supprimer Clips, admettant qu’il ne suffit plus d’enrober une app de paillettes pour rivaliser dans ce théâtre algorithmique surpeuplé – la génération Sora réclame désormais du spectaculaire, du tout-IA, du “Hollywood à la maison” instantané.

À force de vouloir optimiser, protéger et monétiser chaque aspect de notre quotidien, la technologie finit par chorégraphier une danse où le contrôle nous échappe toujours un peu plus… et où nos données sortent grandes gagnantes.

Mais posons-nous la question : dans cet écosystème interconnecté, où chaque minute d’appel devient matière première, chaque vidéo – même feinte – moteur d’IA, et chaque email un point de contact publicitaire, à qui le bénéfice du progrès ? L’utilisateur scrute la praticité promise en oubliant la centralisation, la convivialité en niant le pillage. La frontière entre autonomie réelle (quel senior peut prouver que ses QR codes sont bien scannés ?) et délégation aveugle (mon robotaxi est-il vraiment un progrès, ou juste la main invisible d’Uber et Momenta ?) ne cesse de s’effriter, tant l’humain cède du terrain à la machine.

Peut-être le véritable choc de rupture n’est-il plus tant dans la technologie déployée (applis, IA, véhicules autonomes ou messageries omniscientes), que dans notre capacité à résister à la tentation du tout-assisté, tout rémunéré, tout connecté. L’ère numérique n’offre pas seulement des outils, elle nous tend le piège d’un confort aliénant : sommes-nous prêts à payer – et à être payés – pour organiser plus efficacement notre propre dépossession ?

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