La course aux véhicules autonomes a-t-elle réellement la forme que l’on nous a vendue depuis une décennie ? Derrière le storytelling médiatique d’une compétition effrénée entre startups et géants de la tech, la réalité ne serait-elle pas bien plus complexe et sinueuse ? Quelles questions les récents bouleversements autour des robotaxis et de l’intégration dans le secteur des transports publics et privés soulèvent-ils véritablement ?
En remontant sept ou huit ans en arrière, souvenons-nous : l’autonomie automobile devait tout bouleverser, et cela, très vite. Les startups promettaient une révolution, les constructeurs s’alignaient en lançant leurs propres divisions, et les VC distribuaient les chèques. Mais qui a gagné cette course ? Avons-nous seulement dépassé la ligne de départ ? Aujourd’hui, la “compétition” ressemble davantage à un marathon parsemé d’obstacles réglementaires, techniques et économiques qu’à un sprint décisif. Et si, finalement, l’enjeu n’était pas de doubler un concurrent, mais de résister à ses propres doutes et aux réalités du marché ?
Pourtant, les lieux stratégiques émergent. Les aéroports sont-ils le prochain terrain de bataille entre Waymo, Tesla et consorts ? Le test de véhicules autonomes de Waymo à l’aéroport international de San Francisco, suivi de près par des avancées à San Jose et les ambitions de Tesla, montre où se jouent désormais les grandes manœuvres. Compter le nombre de villes desservies n’est plus suffisant : la conquête des hubs logistiques et des centres de transit s’avère bien plus révélatrice sur qui tient réellement le volant de l’innovation.
Face à la fragmentation croissante du secteur, chaque avancée vers l’intégration des robotaxis dans l’écosystème urbain questionne la voie prise par les géants du transport autonome.
Une autre frontière, plus discrète mais tout aussi explosive, se dessine dans les transports publics. Le récent partenariat entre Waymo et Via n’est-il pas un signal fort ? Via, distributeur clé de logiciels de gestion de mobilité, va intégrer les robotaxis de Waymo dans les réseaux publics, à commencer par Chandler, en Arizona. L’ambition est claire : permettre aux autorités locales d’offrir l’autonomie sur demande, pour deux dollars ou moins. Mais de là à monétiser l’opération suffisamment pour sortir Waymo des chiffres rouges, il y a un monde. Serait-ce alors un pari sur le volume ou sur la transformation — insidieuse, progressive — des usages urbains ?
Du côté des investisseurs, la nervosité est palpable. Wayve, pépite britannique de la conduite autonome “généralisée”, continue de séduire : après un tour de table massif chapeauté par SoftBank, Microsoft et Nvidia, voici que Nvidia s’annonce prêt à investir 500 millions supplémentaires. Mais cette frénésie reflète-t-elle une conviction ou un simple réflexe de FOMO ? Jusqu’où ces investissements protègent-ils vraiment ces startups contre l’imprévisibilité du marché et les obstacles réglementaires croissants ?
Quant aux industriels plus classiques, les grandes manœuvres continuent. Hyundai annonce un plan d’investissement massif pour renforcer sa production, pariant sur les véhicules électrifiés (et pas seulement les 100% électriques), tandis que Stellantis revoit sa copie sur le pickup électrique, échaudé par une demande finalement très en deçà des attentes. Les startups de batteries, de recharge et de logistique émergent elles aussi, mais pour combien de temps ? L’échec relatif de certains modèles impose-t-il à l’ensemble du secteur de revoir ses ambitions ?
Une certitude persiste : les alliances, les pivots et les expérimentations vont se multiplier. Waymo, Lyft, Uber, Tesla, Via, Wayve… Qui parviendra à s’intégrer le plus finement dans la mosaïque des besoins urbains, mais surtout à faire décoller un modèle économique viable à long terme ? Car cette “nouvelle mobilité” est autant une question de financement, de rhétorique et de réglementation qu’une “simple” affaire de logiciel ou d’intelligence artificielle.
Finalement, ces batailles fragmentées dessineraient-elles les contours d’une mobilité réellement transformative, ou ne sont-elles qu’un nouvel épisode dans la longue tradition des promesses technologiques déçues ?
Source : Techcrunch




