Le monde des taxis volants électriques serait-il en train de se transformer en véritable champ de bataille juridique ? À quelques années du décollage potentiel de ce marché prometteur, la guerre technologique entre Joby Aviation et Archer Aviation s’amplifie. La question mérite d’être posée : jusqu’où iront ces entreprises pour s’imposer comme leaders de l’aviation du futur ?
L’affaire qui agite l’écosystème en ce moment prend racine à Santa Cruz, en Californie, où Joby Aviation vient de déposer une plainte cinglante contre son concurrent direct Archer Aviation. En ligne de mire : George Kivork, ancien employé de Joby qui aurait, selon la plainte, exfiltré des documents confidentiels critiques juste avant de rejoindre Archer. Ces documents contiendraient des secrets sur les stratégies commerciales, les partenariats et même des informations hautement techniques autour des appareils de Joby. Mais peut-on parler d’une simple affaire d’espionnage industriel, ou le scénario est-il plus complexe ?
Car selon Joby, Archer aurait même tenté de déstabiliser ses relations avec des partenaires stratégiques en divulguant des clauses ultra-confidentielles — des informations auxquelles seul Kivork aurait eu accès. La riposte verbale d’Archer ne s’est pas faite attendre : l’entreprise nie en bloc, accusant Joby de « détourner l’attention de ses propres failles » tout en affirmant que « la plainte ne s’appuie sur aucune preuve concrète d’appropriation de secrets industriels ».
Ces batailles judiciaires révèlent autant le potentiel explosif du secteur que le malaise croissant parmi ses pionniers.
Ce duel, pourtant, n’est pas le premier du genre pour Archer. Déjà en 2021, le constructeur avait été traîné en justice par Wisk (filiale de Boeing aujourd’hui) pour vol de secrets industriels, l’affaire s’étant soldée après deux ans par une collaboration inattendue. Faut-il y voir un pattern systémique où les talents — et les données confidentielles — passent trop facilement d’un camp à l’autre ? Ou bien est-ce le reflet d’un secteur encore jeune, où les ambitions priment sur l’éthique ?
Le contexte concurrentiel rajoute une couche supplémentaire : Archer et Joby, deux stars de la Bourse issues de fusions avec des SPACs en 2021, visent toutes deux le marché civil et la défense. Leur course aux partenariats — qu’il s’agisse d’accords avec le fabricant d’armes Anduril pour Archer, ou le géant de la défense L3Harris pour Joby — démontre la férocité de la compétition. N’est-ce pas là un facteur aggravant dans la tentation de brusquer les règles du jeu ?
En arrière-plan, la question de l’intégrité industrielle se heurte à celle de la rapidité d’innovation. Archer affirme avoir mis en place des process rigoureux pour éviter toute récupération illégale d’information, mais suffit-il de bonnes intentions ou de protocoles pour garantir l’équité dans cette course effrénée ? Les précédents laissent planer le doute. Et, en définitive, où s’arrête la liberté d’embaucher des talents venus du concurrent et où commence la violation délibérée de secrets commerciaux ?
Alors que la bataille judiciaire s’intensifie, la dernière question qui s’impose : dans un secteur où la vitesse d’exécution rivalise avec l’ambition technologique, la justice pourra-t-elle siffler la fin du match ou ce type d’affaires est-il appelé à se multiplier ?
Source : Techcrunch




